La population prêchotine est mise à rude épreuve depuis deux mois et vit dans l’angoisse d’un prochain coup de sirène ou d’un prochain « tremblement » de la terre, précurseurs des lahars. De nuit comme de jour la sirène peut annoncer l’arrivée d’un proche épisode de coulée de boue volcanique avec parfois la nécessité d’évacuer les zones en bordure de rivière. Des arrêtés municipaux ont été mis en place aux abords du pont de la rivière du Prêcheur pour donner des consignes d’évacuation à la population, la municipalité a multiplié les informations, des zones d’abri ont été identifiées. Après le violent épisode du mercredi 7 mars, nous sommes allés rencontrer les riverains et les badauds venus d’autres communes pour constater la réalité et peut-être avoir l’opportunité d’assister au phénomène ! Ceux-là ont pu voir les dégâts occasionnés par les derniers mouvements : la rivière est dévastée et déverse son jus gris jusqu’assez loin dans la mer, charriant des bois et des pierres volcaniques comme des pierres ponces. De hauts monticules de boues et des roches énormes sont accumulés tout autour de son embouchure et le long de son parcours. Ils se sont posés vraiment tout près des habitations immédiatement riveraines de la rivière et font craindre le pire, s’il devait y avoir un autre épisode violent.
« Les prêchotins ne dorment plus ! »
« On a entendu dire que la montagne Pelée se réveille, on a dit que ça sent le soufre, on a dit que ça tremble… » Nous avons voulu en savoir plus sur les bruits qui courent et sur le sentiment de la population.
Témoignages :
Une dame venue de Saint Joseph : « Il y a anguille sous roche, j’ai plus de 50 ans et je n’ai jamais entendu parler d’un tel phénomène. Il se passe quelque chose qu’on ne nous dit pas. En 1902, ça s’est passé comme ça. Ils ne vont rien nous dire jusqu’à ce que ça arrive. C’est pour ne pas paniquer les populations mais je ne sais pas si c’est une bonne solution. Le phénomène qu’on a là est inhabituel, la montagne ne lâche pas ce qu’elle lâche-là sans raison…On nous cache des choses c’est sûr »
Un prêchotin anonyme habitant à l’entrée du bourg : « Je n’étais pas là près du pont mercredi quand ça s’est passé, j’étais chez moi et j’ai senti la rivière descendre. Dès que ça descend ça tremble, la maison tremble…Mais c’est la vie, la Nature, on ne peut rien faire. On est inquiets quand même. Les prêchotins ne dorment plus…Le maire nous a prévenu qu’il faut évacuer quand ça se passe mais bon, est-ce qu’on ne nous cache pas quelque chose ? »
Monsieur et Madame Elizabeth Marie Françoise Daniel, commerçants, ils tiennent la boutique « Au petit coin » juste après le pont en allant vers le nord, ils résident à saint Pierre mais travaillent là jusqu’à tard dans la soirée : « Lorsqu’ils arrivent, on les entend arriver, il y a du bruit, des tremblements de terre, ça fait le même effet qu’un tremblement de terre, les maisons tremblent et puis on prend l’odeur de la boue. Pas l’odeur du souffre comme on a dit, l’odeur de la boue. On est là, on attend que ça passe. Mercredi dans la nuit je n’étais pas là mais dans la journée il y a eu plusieurs petites coulées de boue et comme il pleuvait dans la nuit ça a pris de l’ampleur. Quand j’ai quitté la boutique le soir, il y avait des petites coulées mais on a pu traverser le pont. »
Mathieu Elizabeth Marie Françoise, riverain : « Mercredi soir, j’étais tranquille chez moi, j’ai senti les vibrations de plus en plus fort et je suis allé voir. La rivière avait déjà bien coulé, ça envoyait des éclaboussures sur le pont. On a déjà vu ça mais jamais aussi fort. Là, c’est vraiment impressionnant tellement c’est puissant même si on est habitués. J’ai grandi ici alors je n’ai pas plus peur que ça. C’est arrivé souvent, l’ancien pont on a dû le refaire plusieurs fois et la dernière fois que c’est arrivé le pont a été écrasé, c’est pour ça qu’ils ont refait celui-là. Je n’ai pas l’impression que la montagne se réveille parce que si ça arrivait on ressentirait beaucoup plus de vibrations. »
Thierry DASINI est l’un des riverains les plus concernés puisque son restaurant est installé à l’embouchure de la rivière juste avant la plage : « Je ne suis pas là le soir, j’ai constaté les dégâts en arrivant le jeudi matin. Ils ont mis un arrêté comme quoi quand il y a la sirène il faut évacuer. Depuis 30 ans que je suis là, il y en a eu d’autres avant, mais là, c’est devenu plus fréquent. Je n’ai aucune crainte pour le restaurant, à chaque fois ça passe à côté, peut-être que j’ai de la chance mais c’est la Nature alors c’est comme ça. Je ne ferme pas mon restaurant sinon il faudrait me rembourser tous mes équipements, au contraire, il y a énormément de gens qui viennent voir le phénomène et s’arrêtent chez moi pour manger ! »
Nathalie Laulé
[…] Une population sur le qui-vive ! […]