A l’heure où de nombreux élèves sont en train de réaliser leur choix d’orientation, nous avons souhaité faire le point sur l’offre de formation proposée par l’enseignement agricole en Martinique et en savoir plus sur les différentes initiatives prises en matière de développement durable par les écoles. Rencontre avec Virginie Michel, référente régionale « Enseigner à Produire Autrement” de la Martinique et enseignante d’agronomie au LEGTA de Croix-Rivail.
Quelles sont les missions de l’enseignement agricole ?
L’enseignement agricole relève du Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt. Il regroupe l’enseignement technique et générale agricole (de la 4e au BAC) et l’enseignement supérieur agricole (BTSA et Licences Professionnelles). Il met en œuvre cinq missions définies par le code rural et de la pêche maritime :
Assurer une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue
Contribuer à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes comme à celle des adultes
Participer à l’animation et au développement des territoires
Contribuer aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agro-alimentaire
Participer aux actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, d’apprentis, d’étudiants, de stagiaires et d’enseignants.
Pouvez-vous nous présenter l’offre de formation proposée par l’enseignement agricole ?
Nous avons deux Etablissements Publics Locaux (EPL du Robert et de Croix-Rivail), plus la MFREO qui est une école privée. Les établissements publics sont composés d’un Centre de Formation d’Apprentis Agricoles (CFAA), de trois Centres de Formations Professionnelles et de Promotion Agricole (CFPPA), d’un Lycée Professionnel Agricole (LPA) et d’un Lycée d’Enseignement Générale et Technologique Agricole (LEGTA).
Au niveau du LPA du Robert, ils ont comme filière le Bac Pro Services aux Personnes et aux Territoires, un autre en Conseil Vente en Alimentation, ainsi que le Bac Pro Aménagement paysager.
Il y a également un parcours qui commence par la 3ème de l’enseignement agricole qui permet ensuite d’aller vers la 2nde pro Alimentation Bio-Industrie et Laboratoire et d’arriver au BTS Sciences et technologie des aliments et processus technologique.
Au niveau du LEGTA de Croix-Rivail, ils ont deux secondes pro conduite de cultures et d’élevage (CEC) ainsi qu’une en agroéquipement, pour arriver à une terminale en Conduite et Gestion d’Exploitation Agricole (CGEA) polyculture-élevage et en Agroéquipement (AE).
Il y a aussi une filière générale, qui part de la seconde GT avec une option EATDD (Ecologie-Agronomie Territoire et Développement Durable) qui permet de s’orienter vers un BAC S avec une option EAT (Ecologie Agronomie Territoire) ou un BAC Technologique STAV avec une section Européenne.
Ces 4 BAC (S ; STAV ; CGEA et AE) conduisent à un BTSA Agronomie-Production Végétale (APV).
De plus, le LEGTA de Croix-Rivail, le CFAA du François et le CFPPA de Rivière-Pilote propose plusieurs licences professionnelles : Agriculture Biologique Conseil Développement (ABCD) en partenariat avec l’Université Clermont Auvergne (UCA) et VetAgro Sup de Clermont-Ferrand ainsi que Génie des Procédés avec deux spécialités au choix : Aménagement et Gestion de la ressource en eau ou Gestion et Traitement des déchets.
Quelles sont les formations proposées par la MFREO ?
Ils partent de la 4e de l’enseignement agricole en passant par la 3e. Ils ont une seconde pro services aux personnes et aux territoires jusqu’à la terminal bac pro. Et un CAPA services aux personnes et vente en espace rural.
Vous êtes référente “Enseigner à Produire Autrement” pour la région, en quoi consiste ce programme ?
Le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt a souhaité mettre en place un dispositif intitulé “Enseigner à Produire Autrement”. Le premier objectif de ce projet est de faire évoluer nos méthodes et outils pédagogiques pour former les acteurs d’aujourd’hui et de demain à produire autrement et durablement et de renforcer l’implication des exploitations agricoles de nos établissements dans la dynamique d’innovation.
Nous avons élaboré un Programme Régional « Enseigner à Produire Autrement » de la Martinique 2014-2018. Les équipes pédagogiques et les Directeurs d’Exploitations Agricoles des lycées ont proposés des fiches actions afin de contribuer à la dynamique et au développement de notre territoire.
L’EPL du Robert a mis en place une station d’aquaponie qui est une conduite hors sol de productions végétales et animales tout en s’inscrivant dans le respect de l’environnement et de la préservation des ressources naturelles.
L’EPL de Croix-Rivail a mis en place d’un jardin créole pour contribuer à la mise en œuvre des systèmes de cultures innovants et durables. Ce support pédagogique permet également de valoriser le patrimoine naturel et culturel de la Martinique.
Les étudiants des licences professionnelles, contribuent à la mise en œuvre de ce programme « Enseigner à Produire Autrement » grâce à des projets tuteurés et des mémoires de stage en traitant différentes problématiques autour des actions.
Au sein de chaque lycée de l’enseignement agricole, il y a des exploitations agricoles qui sont des supports pédagogiques. Celles-ci doivent produire plus durablement et plus efficacement, être viables économiquement en mettant en travaillant avec les acteurs du monde agricole à travers la mise en place d’expérimentations. Afin de leur donner plus de légitimité, cette mission permet aux équipes pédagogiques de proposer des actions aux Directeurs d’Exploitations Agricoles (DEA) pour créer des situations d’apprentissage pour leurs élèves, mais aussi vice versa de permettre aux DEA de proposer des projets agro-écologique pour concilier la performance économique, environnementale, sociale et culturelle, mais aussi faire un lien avec la pédagogie et les partenaires extérieures. Ce dispositif permet à l’enseignement agricole de reprendre sa place dans le monde professionnel, car il ne faut pas oublier que nous formons les futurs agriculteurs, mais également enseignants, chercheurs… c’est vraiment varié.
Les consommateurs veulent avoir une bonne santé et acquérir des produits sains, donc il faut que tous les acteurs soient bien formés et travaillent ensemble.
Est-ce qu’à travers cette démarche vous incitez les élèves à produire autrement avec de nouvelles techniques de productions plus saines ?
Oui, on va parler de transition agro-écologique, pour apprendre aux apprenants à produire autrement et plus sainement en reconsidérant nos systèmes de production, mais pas simplement par la diminution des pesticides, mais aussi par par l’évolution des pratiques agricoles . Nous leur apprenons à penser autrement, à raisonner autrement et à prendre des décisions face à une situation professionnelle lors de séances de Travaux Pratiques sur les exploitations agricoles des lycées. Ainsi, l’enseignant pratique la démarche pédagogique inductive : à partir d’un cas concret, il peut présenter des règles générales, des concepts….de la pratique vers la théorie.
Nous avons des Journées Portes Ouvertes dans nos différents établissements, chaque année. Lors de ces manifestations, nous présentons nos différentes filières et organisons un marché agricole pour faire connaître les produits confectionnés par nos élèves (BTSA Sciences et technologie des aliments et processus technologique), les productions des exploitations agricoles de nos lycées, des anciens élèves et agriculteurs.
C’est aussi un moyen de valoriser les différents acteurs du monde agricole et de promouvoir les notions de « produire autrement » et « consommer autrement ».
Une fois par an, nous organisons également « La nuit de l’agro-écologie », pour permettre aux citoyens de rencontrer les acteurs du monde agricole qui se sont engagés dans une démarche agro-écologique. Nous avons une conférence-débat qui la nuit (18h à 20h30) et nous mettons en place un marché agricole semi-nocturne (15h30 à 20h30), lors duquel nous mettons en avant une association de producteurs en agro-écologie. La 3ème édition sera organisée par la MFREO.
Pouvez-vous nous présenter l’Agenda 21 du LEGTA de Croix-Rivail ?
Avec mon collègue, Jean MIATEKELA, nous avons proposé à la Direction du LEGTA de Croix-Rivail de mettre en place un Agenda 21 pour l’EPL de Croix-Rivail. C’est un outil qui permet à l’établissement de consolider sa démarche de développement durable. Il est utilisé depuis plusieurs années dans les lycées d’enseignements agricoles en France hexagonale. Notre objectif est d’améliorer la gestion du fonctionnement interne par l’intermédiaire d’un projet de développement durable partagé par l’ensemble de la communauté éducative : la gestion du patrimoine bâti et non bâti, l’amélioration des relations humaines, la gestion des déchets, la gestion de l’eau et l’optimisation de la prise en charge des apprenants.
L’Agenda 21 du LEGTA de Croix-Rivail est une démarche volontaire qui favorise la démocratie participative visant à l’amélioration des pratiques et modes de vie au sein de l’établissement et qui contribue à l’apprentissage des apprenants et de toute la communauté éducative aux enjeux du développement durable.
C’est un projet d’actions que nous mettons en place, chaque année, là encore en utilisant comme support l’exploitation agricole. Par exemple, la mise en place du jardin créole afin de mettre en œuvre des systèmes de cultures innovants et durables. C’est une idée d’étudiants de BTSA GEMEAU (Gestion et Maîtrise de l’EAU) qui ont voulu valoriser leur patrimoine naturel et culturel mais également laisser leur empreinte.
Certaines actions de l’Agenda 21 sont intégrées dans le plan régional “Enseigner à Produire Autrement”, puisqu’elles correspondent aux objectifs de ce programme et tient à cœur beaucoup de partenaires.
Les équipes pédagogiques de l’enseignement agricole ont eu l’occasion de participer à une formation dans le cadre du programme régional « Enseigner à Produire Autrement : « La démarche Agenda 21 dans une perspective de transition agro-écologique »
Notre objectif est vraiment de contribuer à la dynamique de promotion de la durabilité en Martinique
Cette mission n’aurait pas été possible sans la coopération des apprenants, des équipes pédagogiques, du personnel non enseignants, des directeurs d’exploitations, des directeurs de centres, des directeurs des EPL et de la MFREO, de la Cheffe du Service Formation Développement et de son personnel et de la DAAF.
Propos receuillis par Kaylan FAGOUR
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