Comme chaque année, la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) recevait les responsables d’associations environnementales pour faire le point sur les avancées en matière de développement durable, les actions menées sur le territoire et les initiatives des associations locales. Cette année, c’est à l’hôtel Batelière que les dirigeants d’association et les chargés de mission se réunissaient jeudi 24 octobre. L’occasion de découvrir plusieurs expérimentations très positives.
Au programme, notamment, la présentation de la démarche expérimentale menée au Prêcheur pour la mise en sécurité de sa population et la refondation de son bourg.
En effet, face au changement climatique et à la montée des eaux, la commune littorale se trouve déjà impactée par les effets des bouleversements et se trouve, de plus, sur un site soumis aux aléas volcaniques. C’est à travers le documentaire, « Rasin Kas », réalisé en 2019, par l’association Mo-TV, en collaboration avec la ville du Prêcheur et avec le soutien de la DEAL, que le public a pu découvrir ce que pourrait être une commune reconstruite dans la perspective d’un développement durable. Ce film donne la parole aux différentes parties prenantes du projet, prêchotins, scientifiques, architectes…Et l’on y découvre comment la ville de demain doit être pensée dans sa globalité, avec une autonomie énergétique et alimentaire, une préservation des ressources en eau et des sols, une solidarité active de la population et sa mise à l’abri des aléas, un type de construction écologique pensé en adéquation avec l’environnement local. La directrice de la DEAL, Nadine Chevassus, (voir interview) parle « d’un projet global de développement durable » et a souligné que les populations doivent être au cœur du projet et que toutes les thématiques du développement durable y sont imbriquées. Le public a, lui aussi, beaucoup réagi, à l’issue de la projection et les chargées de mission, Gisèle Mondésir et Nadine François ont répondu aux questions, notamment sur la perspective d’enrocher davantage les fronts de mer, « La survie nous rend créatifs et les expériences d’enrochement ont démontré que les fortes houles ont raison de ces dispositifs. Il faut penser à présent à un autre type d’habitat. Le but étant de vivre avec la nature et de s’y adapter». Ce projet pilote de la Ville du Prêcheur, fait partie de l’appel à projet, « imaginer le littoral de demain » et semble faire des émules parmi les communes littorales de la Martinique, on a parlé de Trinité et du Robert, de Basse Pointe et du Carbet, notamment.
Ce fut ensuite, les retours d’expérience menée par les différentes associations environnementales. Entreprise et Environnement a présenté ses dernières opérations pays propre, de récolte de déchets, avec l’objectif cette fois de sensibiliser les populations des communes isolées, même si objectivement, elles ne bénéficient pas des points de collectes traditionnellement mis en place dans la conurbation de Fort de France. Ce qui a soulevé de nombreuses questions sur la collecte des piles apparemment soumise à contingence et non homogène.
L’association, l’Arbre à Vie, a présenté longuement l’historique de ses actions contre l’affichage sauvage, en faveur d’une « Martinique plus belle ». Son dirigeant Emmanuel Marie-Luce (voir interview) a insisté sur la nécessité de maintenir le service de gestion des panneaux d’affichage qu’ils ont mis en place et d’aller plus loin vers la mise en place de panneaux propres et durables, avec des partenaires impliqués. La période pré-électorale connaissant une activité accrue d’affichage sauvage, les collectivités pourraient s’impliquer davantage, dans ce service d’utilité publique.
La manifestation fut clôturée par un Quizz très amusant sur le développement durable, animé et conçu par l’association le Carbet des Sciences, dont la mission est de faire le lien entre la Science et la Société. Un audit commandé par la DEAL, avait révélé que les bâtiments de la DEAL de la Martinique étaient parmi les plus énergivores de France. C’est dans le cadre de cet audit et des propositions de solutions à apporter que le Carbet des Sciences a conçu ce Quizz à l’attention du personnel de la DEAL, afin de l’inciter à faire des économies d’énergie. Il s’agit d’une animation, sur la base de questions/réponses qui démontre qu’en matière d’éducation au développement durable, le jeu est un réel outil de sensibilisation pour les grands et les petits. Les participants à cette journée se sont prêtés dans la bonne humeur à ce jeu inédit. Nathalie Laulé
Nadine Chevassus, directrice de la DEAL : «J’ai l’impression que ça infuse et se diffuse lentement mais sûrement ! »
Martinique 2030: Ressentez-vous de réelles avancées en matière de développement durable, et particulièrement dans le domaine des urgences climatiques, dans le comportement et les initiatives du public, des différents acteurs et des élus?
La directrice de la DEAL, Nadine Chevassus : Oui vraiment, je pense qu’on avance, peut-être pas aussi vite qu’on pourrait le souhaiter mais on avance vraiment ! Au Prêcheur par exemple, on est parti des études, de la conception et on arrive maintenant à la concrétisation puisque, partant d’une étude qui nous proposait une nouvelle recomposition à partir d’écrits, de plans, de dessins, et en associant autour de la table, la population, les élus, les experts, les architectes, les ethnologues, on arrive aujourd’hui à une maquette ! Cette maquette avec du temps, du travail, de la concertation parviendra sans doute à quelque chose de concret. On commence déjà à être dans le concret avec par exemple, cette idée d’école refuge, qui pourra avoir une fonction éducative et aussi une fonction refuge, lors d’évènements climatiques ou sismiques majeurs. Elle permettra de mettre à l’abri la population le temps nécessaire. J’ai l’impression que ça infuse et se diffuse lentement mais sûrement !
M2030: Le Prêcheur devient-il avec cette expérience, une commune pilote ou modèle pour toute la Martinique ? Le projet prend en effet en compte tous les paramètres d’autonomie, de mise en sécurité des populations…
NC : Oui, on peut considérer que le Prêcheur devient un petit laboratoire expérimental et il n’y a rien de mieux que la preuve par l’exemple car si cela fonctionne au Pêcheur, cela pourra fonctionner ailleurs. On a ici une population qui participe, un maire motivé et le changement ne peut venir que du collectif car ça ne peut pas être imposé. Et c’est ce qui arrive au Prêcheur, effectivement. La DEAL, le Ministère de l’Environnement, ont proposé des projets, mais si la population et les élus ne s’approprient pas le projet, cela ne peut être réalisé. Il y a d’autres communes à présent qui sont intéressées par cette démarche d’imaginer le littoral de demain.
M2030 : Qui a eu l’idée, qui a initié ce projet « imaginer le littoral de demain » ?
NC : En fait, c’est le Ministère de l’Environnement, c’est la Ministre Ségolène Royal qui avait lancé cet appel à projet auquel la commune du Prêcheur a répondu, puis chaque année une nouvelle commune s’engage dans la démarche.
M2030 : Alors on peut dire que ça bouge ! Et du côté de l’actualité de la DEAL Martinique, que peut-on dire ?
NC : Vous avez vu que le projet UNESCO, porté à la fois par la CTM et l’Etat, a été accepté. C’est une très bonne nouvelle, avec de très bonnes chances d’aboutir à un label « Patrimoine Mondial de l’Unesco » ! Je pense que c’est quelque chose d’exceptionnel, qu’il convient de saluer !
Propos recueillis par Nathalie Laulé
Emmanuel Marie-Luce, dirigeant de l’association l’Arbre à Vie : «Ce n’est pas parce que celui-ci a le bras long, qu’il doit déposer son panneau devant chez man Titine, qui l’empêche de voir la mer. Il faut arrêter ça ! C’est la responsabilité des maires »
Martinique 2030: Après votre intervention sur l’affichage sauvage, une question demeure pour « rendre la Martinique plus jolie », comme vous dites…Il y avait eu après le passage du cyclone DEAN, un petit mouvement contre l’affichage publicitaire 4X3, avec un manifeste d’intellectuels, notamment Chamoiseau qui interpellait les pouvoirs publics sur la pollution visuelle qu’ils représentent. Quelle est votre position vis-à-vis de ça ?
Emmanuel Marie-Luce : Nous nous battons pour que la Martinique soit plus belle. Dans le cadre de notre opération contre l’affichage sauvage, nous avions attaqué la recrudescence des panneaux publicitaires 4X3, justement avant le cyclone DEAN ! Tout le monde avait bien compris à l’époque que nous n’avions rien contre les publicitaires parce que c’est aussi un métier ! Par contre, il n’est pas normal que ces panneaux-là, s’implantent n’importe où, et n’importe comment et de plus en plus ! Nous avons soulevé ce problème et avons rencontré le Parc Naturel, à cette époque on nous a proposé des panneaux plus petits, puis on nous a un peu étouffé dans ce projet-là. Mais les maires ont quand même pris conscience du problème et ont mis en place un règlement local de publicité.
M2030: Vous voulez dire que c’est le maire qui décide de ‘l’emplacement des panneaux publicitaires pour sa commune ?
EML : C’est le maire qui doit mettre en place son règlement local de publicité et à ce moment-là, on va définir avec la DEAL et d’autres services, des lieux d’implantation de panneaux publicitaires autorisés. Des lieux qui ne dénatureraient pas l’environnement et qui ne gêneraient pas la population, pour que ce ne soit plus comme ça à tout va ! C’est un projet que nous connaissons bien mais qui doit être mis en place réellement à présent.
M2030: Ce type d’affichage n’est certainement pas prêt d’être abandonné, en raison du poids économique que représente la publicité dans notre société de consommation…
EML : Alors nous ne voulons pas être une entrave économique mais ce que nous voulons dire à nos publicitaires c’est que cela doit entrer dans un cadre légal ; Car il se trouve que c’est normalement le maire ou le préfet qui valide l’implantation de ces panneaux, or, il n’en n’est rien et les panneaux s’implantent n’importe où ! Nous, nous interpellons les élus pour leur dire, attention, nous avons vu avec Dean que ces panneaux sont entrés chez les gens pour faire des dégâts !
M2030 : Par exemple, au François, l’affichage publicitaire est soi-disant interdit dans la commune mais il y a des panneaux partout, grands et petits. Il semblerait que les contrevenants pourraient être verbalisés mais cela n’a pas l’air d’être respecté ! Alors comment cela se passe-t-il dans la réalité ?
EML : Nous avons proposé à ce sujet des enseignes collectives règlementaires pour la publicité des commerçants dans les communes, des signalétiques qui ne représenteraient pas de danger. Ce que nous disons aux maires, c’est attention, le jour où il arrivera un malheur, on va chercher un responsable…Le maire du François sait pertinemment que la solution que nous proposons est une solution discutée et partagée avec les services de l’état, qui nous permet d’avoir des espaces validés pour l’implantation des panneaux. Ce n’est pas parce que celui-ci a le bras long, qu’il doit déposer son panneau devant chez man Titine, qui l’empêche de voir la mer. Il faut arrêter ça ! C’est la responsabilité des maires. Nous leur lançons un appel pour leur dire que nous pouvons faire ce travail avec la DEAL, qui a en charge, la préservation des sites et des paysages, avec la gendarmerie qui devra faire son travail. On ne veut pas réprimander les gens mais leur dire en amont, voilà comment ça se passe dans le cadre du règlement local de publicité ; Nous sommes prêts à faire ce travail avec eux…
Propos recueillis par Nathalie Laulé
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