Depuis plusieurs années, Emmanuel Marie-Luce est fortement engagé pour la protection des populations face aux risques majeurs, il a réfléchi sur un lit à vocation parasismique, dans un premier temps, en s’appuyant sur ce qu’il qualifie dans ses recherches comme étant « un principe meuble-haut ». Cette technologie nouvelle repose en effet sur la hauteur du mobilier, qui étant proche de la charge, offre ainsi une poche de survie. L’objectif de ce bâtisseur caribéen, est de permettre aux populations notamment les plus démunies, d’être à l’abri au mieux que possible lors d’un tremblement de terre majeur, en mettant un accent particulier sur le sort des personnes dépendantes , alitées ou en situation de handicap.
Comment vous est venue l’idée de créer un meuble parasismique ?
Je suis un entrepreneur en bâtiment, en 2005 je construisais trois immeubles à Saint-Pierre et la terre a tremblé ce matin là.. Mes employés venaient de décoffrer les deux compartiments sauf la partie du milieu. Après ce moment de frayeur, je leur dis du coup, que si la terre tremble à nouveau la partie qui est coffré ne tombera pas, ainsi cette petite phrase a germé dans ma tête, peut-être inconsciemment.
A la même période la maison d’un habitant du Vauclin s’est écroulée et on a retrouvé dans les décombres un homme qui y habitait, sans une égratignure, car il était dans un lit très anciens avec les colonnes très hautes, ces colonnes de lit très anciens avaient plus ou moins bloqué la dalle, ce qui a donc sauvé la vie de ce monsieur dans les décombres de sa maison écroulée. Ensuite, arrive le tremblement de terre de 2007, et à mon domicile, j’ai eu du mal à ouvrir une baie vitrée qui m’empêchait de sortir rapidement. Suite à cet évènement, j’ai réfléchi pour trouver une solution et c’est là que tout est revenu comme un voyage dans le passé, je me suis rappelé cette phrase à Saint-pierre devant l’immeuble et sa partie encore coffré, j’ai revu cette image du lit ancien et cet homme vivant en forme de fétus dans les décombres de sa maison effondrée. Je me suis rendu à mon bureau et j’ai longuement réfléchi, tout en essayant de rassembler ces petites choses qui m’ont intrigué, c’est alors que l’idée m’est venue comme un éclair, il fallait un mobilier très haut, résistant à la charge, capable de bloquer la dalle du plafond et le meuble le plus approprié c’était le lit avec un système d’abri de protection. J’ai donc dessiné mon premier mobilier en prenant soin de rentrer dans le détail d’une étude agrée de charge et de résistance aux contreventements.
Ainsi, aux contacts de nombreux spécialistes, dont je suis allé à la rencontre, c’était une forme d’émerveillement, ils étaient tous unanimes pour dire que je venais d’inventer un système de poche de survie naturelle, là où de grands chercheurs n’avaient pas trouvé de solution.
Avez-vous réalisé des tests ?
Les tests ont été confiés à un grand laboratoire et ont parfaitement réussis à Bordeaux, au FCBA, l’Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction, ils sont concluants, sur le lit-abri le premier mobilier-abri inventé. Cependant, j’ai continué à réfléchir pour imaginer d’autres structures sur le même principe meuble-haut, pouvant servir d’abri.
Je veux développer une gamme de produits, j’ai déjà des prototypes de penderie d’angle –abri, d’un berceau abri, mais surtout d’une salle de confinement sécurisée.
Une salle de confinement ?
Oui lors du cyclone Edith, j’étais jeune mais cela m’avait marqué, il y avait une famille de huit personnes dans une petite maisonnette et au lendemain du cyclone la petite maison avait disparue, il ne restait qu’une petite salle en béton c’était les toilettes et toute la famille était encore à l’intérieur puisqu’un arbre bloquait la porte. C‘est en repensant à cet épisode du cyclone, que j’ai pensée à la salle de confinement, qui sur le même principe de meuble-haut,permettrait d’avoir une poche de survie capable d’occuper une salle entièrement.
Durant toutes ces années avec toutes ces idées, je me suis mis à rêver d’un grand projet que la jeunesse martiniquaise pourrait avoir à dessiner, à produire, à commercialiser si nous obtenions les aides et les accompagnements dignes d’un tel concept. La Martinique pourrait alors tenir sa première industrie commercialisable de par le monde.
Vous aurez compris que les consignes en la matière pourrait évoluer rapidement grâce aux mobiliers et autres structures que j’ai déjà inventés, d’autres mobiliers et outils du même genre pourrais être imaginés, sous couvert de la marque déposée Sékirit’li. C’est le nom de la marque que j’ai créée pour compléter mon dépôt de brevet.
Pensez-vous que ça peut représenter un atout économique ?
C’est un projet de développement économique, car ça ne concerne pas seulement les Antilles, mais partout où la terre tremble dans le monde, mais aussi la France hexagonale car là-bas il y a par exemple des effondrements de toitures sous le poids de la neige. Cette industrie nouvelle est une chance pour la Martinique, pour les Outre-mer et bien plus, économiquement.
Je pense que l’appel de Monsieur Vincent Courtray, chef du bureau des risques naturels au Ministère de l’Ecologie que j’ai rencontrée est un tournant fondamental puisque dans les locaux de la DEAL Martinique, j’ai obtenu la promesse d’être soutenu par ce service de l’Etat.
Avez-vous déjà des demandes ?
Nous avons des personnes intéressées par le lit-abri, mais c’est surtout la salle de confinement qui intéresse tant le public, que le privé. Mais la bonne question est de savoir si nous sommes en capacité de vouloir qu’une usine s’implante chez nous, si nous sommes en capacité de créer une entreprise participative, bref il y a des solutions, mais si je choisie la plus facile, très peu d’emplois seront créés.
Que diriez-vous pour conclure…
Je continue à me battre pour que ce concept soit un espoir pour la Martinique, avec le maximum de personnes qui trouveront un emploi. Il nous reste à mettre en place une équipe d’ingénierie, trouver les fonds nécessaires, les partenaires, l’idéal serait une entreprise publique-privée, mais tout cela ne dépend pas de moi, on verra bien puisque nous avons déposé ce projet dans les Assises de l’Outre-mer.
C’est ton oeuvre. Elle est audacieuse et visionnaire. Ta volonté d’en faire plus qu’une entreprise de profit capitaliste rencontre des forces rétrogrades et contraires de ce fait. Tu persévères et l’évidence de la solution se fait jour maintenant. La route est semée d’embûches, mais je connais ton courage et ton abnégation. Tu a la volonté de marier les jeunes martiniquais à ta vision et c’est ton honneur d’y attacher de l’importance. Bref Emmanuel Marie- Luce, tu es un homme rare que j’apprécie de connaître.
Je te contacte demain vendredi 6. Bien à toi, Franck