Une grande majorité des listes candidates aux élections européennes du 26 mai se prévalent de l’écologie. Mais derrière cet affichage de façade, que contiennent réellement les programmes en lice ? Actu-Environnement vous propose un tour d’horizon.
Les élections européennes sont stratégiques en matière d’écologie : notre droit de l’environnement est essentiellement d’origine communautaire. Or, le Parlement détient un pouvoir de codécision avec le Conseil sur la politique environnementale de l’Union et possède un droit d’initiative législative. Il peut aussi créer des commissions d’enquête, comme celle dédiée aux procédures d’homologation des pesticides, et former des recours devant la Cour de justice. L’issue des élections du 26 mai prochain sera donc déterminante en matière d’environnement, à l’heure où les menaces du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité se font de plus en plus précises.
Parmi les 34 listes qui concourent à l’élection en France, peu affichent l’écologie dans leur intitulé même. Seules Europe Ecologie menée par Yannick Jadot, la liste Envie d’Europe écologique et sociale de Raphaël Glucksmann et Urgence écologique de Dominique Bourg soutenue par l’ancienne ministre de l’environnement Delphine Batho et par Antoine Waechter. Ce qui n’empêche pas de nombreuses autres listes de mettre l’écologie au cœur de leur programme, qu’elles soient de gauche ou de droite, même si les questions environnementales sont largement plus présentes parmi les premières.
Des listes résolument écologistes
La liste Europe Ecologie veut “sauver l’Europe pour sauver le climat“. La formation écologiste défend l’idée d’un traité environnemental européen qui ferait de l’écologie “la norme juridique supérieure“. Elle propose de créer un parquet européen autonome capable de lutter contre les écocrimes et de reconnaître des droits à la nature. La formation écologiste souhaite également créer une taxe socio-environnementale aux frontières, mettre fin à tous les soutiens aux énergies fossiles et supprimer les accords de libre-échange. Europe Ecologie souhaite créer une banque européenne du climat et de la biodiversité, avec un grand plan d’investissement de 100 milliards d’euros (Md€) par an dédiés à la sobriété et l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables (EnR) et la mobilité durable. La liste propose de sortir définitivement du nucléaire et du charbon entre 2030 et 2050. Elle souhaite réparer les territoires, en lançant notamment un plan ferroviaire misant sur les petites lignes et les trains de nuit, et en mettant en place une obligation européenne de dépollution. Europe Ecologie souhaite aussi aller vers une Europe zéro plastique et mettre en place un plan de lutte contre l’obsolescence programmée. La liste de Yannick Jadot vise enfin 30 % d’agriculture bio et locale en 2025, l’interdiction des pesticides et de tous les OGM.
La liste Urgence écologie de Dominique Bourg, quant à elle, ne contient pas moins de 75 propositions. Ce programme est fondé sur plusieurs objectifs fondamentaux, parmi lesquels le respect des limites de la planète, la priorité absolue à la lutte contre le réchauffement climatique et l’extinction des espèces, la reconnaissance des droits des animaux, la poursuite pénale des écocriminels et la justice climatique.
Parmi les listes qu’on peut classer “écologistes” figure aussi la liste Décroissance 2019 menée par Thérèse Delfel. “Nous soutenons qu’une relocalisation des activités productives, au sein de bio-régions autonomes, permettrait de préserver l’essentiel du bien vivre et de la civilisation“, affirme son programme. On notera aussi que si de nombreuses listes se positionnent en faveur de l’amélioration du bien-être animal, seul le Parti animaliste consacre son programme exclusivement à la question animale.
De l’écologie dans les listes de gauche
La liste Envie d’Europe de Raphaël Glucksmann, soutenue par le PS, Place publique, Nouvelle donne et le Parti radical de gauche, propose, quant à elle, la mise en place d’un Pacte finance-climat-biodiversité avec la création d’un budget européen pour le climat et la biodiversité de 500 Md€ sur cinq ans, financés par un impôt européen sur le bénéfice des sociétés. Parmi les priorités du pacte : financer un plan ambitieux de rénovation des bâtiments, accélérer le déploiement des énergies renouvelables, développer les transports collectifs. Pêle-mêle, la liste entend aussi développer l’agro-écologie, renforcer le réseau Natura 2000, sortir les dépenses écologiques du calcul des 3 % de déficit public, taxer le kérosène sur les vols intra-européens ou encore créer une agence européenne de notation environnementale.
La France insoumise, avec Manon Aubry à sa tête, souhaite instaurer la règle verte consistant à “ne pas prendre plus à la planète qu’elle ne peut supporter“. Pour cela, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon entend “protéger l’écosystème, les biens communs et les animaux“. Parmi ses nombreuses propositions, on notera les suivantes : faire de l’énergie un bien commun, atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, soutenir la proposition d’un tribunal international de justice, interdire les perturbateurs endocriniens, réviser les textes sur les substances chimiques, adopter un plan de sauvegarde pour la biodiversité, faire du droit à l’eau un droit fondamental, interdire la brevetabilité du vivant, interdire tous les plastiques à usage unique. La France insoumise veut aussi aller vers 100 % d’EnR en 2050 : supprimer les subventions aux énergies fossiles, proposer un plan de sortie du charbon et du nucléaire, instaurer un moratoire sur l’ouverture de toute nouvelle centrale, abandonner le marché carbone, mettre en place une taxe carbone aux frontières, voter une fiscalité sur le kérosène, interdire la publicité lumineuse. Enfin, la liste de Manon Aubry a pour ambition de mener une PAC écologique : favoriser les subventions à destination des cultures végétales pour l’alimentation humaine, sortir des pesticides, des néonicotinoïdes et des OGM, être en mesure d’imposer 100 % d’alimentation bio et locale, interdire l’importation de produits issus de la déforestation et les agrocarburants, stopper les fermes usines ou encore interdire les financements des modes de pêche qui ravagent les océans.
Quant à la Liste citoyenne du printemps européen, soutenu par Génération.s et DiEM25, elle entend “libérer les peuples des pollueurs et prédateurs pour un droit à se nourrir sainement, à respirer un air pur, à préserver durablement nos ressources“. Parmi les propositions de cette liste conduite par Benoît Hamon figurent les points suivants : Europe zéro carbone en 2050 libérée des énergies fossiles et du nucléaire, 500 milliards par an pour le Green New Deal, plan d’urgence pour sauvegarder la biodiversité et le bien-être animal, création d’une Cour européenne de l’environnement, financement de la conversion au bio par une taxation des importations de produits non bio hors UE, interdiction immédiate des polluants et des perturbateurs endocriniens, refus de la prospection et de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, consécration de l’énergie, de l’eau et des transports comme biens communs, rejet des traités de libre-échange actuels.
La défense de l’environnement local dans les programmes de la droite
Si les questions écologiques sont moins présentes dans les listes de droite, celle de la majorité présidentielle entend mettre l’accent dessus. La liste Renaissance, menée par Nathalie Loiseau, a placé l’ancien ministre et directeur du WWF Pascal Canfin en deuxième position. Souhaitant draguer les électeurs écolos, Renaissance affiche même l’écologie comme “priorité numéro 1” de son programme. Parmi les mesures proposées un investissement “d’au moins 1.000 milliards d’euros dans la transition écologique” et la création d’une banque pour le climat, de même que le refus de signer un accord de libre-échange avec des pays en dehors de l’Accord de Paris.
La liste Les Républicains, menée par François-Xavier Bellamy, propose, quant à elle, cinq mesures pour “protéger l’environnement naturel du continent” : mise en œuvre de droits de douane sur les produits importés ne respectant pas les normes environnementales ou sociales européennes, mise en œuvre d’un plan européen pour le climat piloté par un Haut-Commissaire, objectif zéro carbone à horizon 2050 et politique en faveur d’un mix énergétique “adapté aux réalités des territoires“, valorisation des filières de recyclage et de la bioéconomie, systématisation de la collecte et du recyclage de plastique.
Le Rassemblement national, dont la liste est menée par Jordan Bardella, promeut également l’écologie mais à travers le concept de “localisme”, consistant à produire, consommer et recycler au plus près. “Le localisme (…) sera promu contribuant ainsi à la revitalisation des territoires oubliée, à l’emploi local, à l’aménagement du territoire“, annonçait Marine Le Pen lors de la convention de son mouvement pour les élections européennes, en janvier dernier. “L’Europe doit moins s’intéresser au volume sonore des tondeuses à gazon qu’aux grandes révolutions industrielles ou technologiques“, avait ajouté la présidente du Rassemblement national, citant l’intelligence artificielle, le numérique, le développement de l’hydrogène, les biotechnologies ou les nanotechnologies.
Quant à la liste “Le courage de défendre les Français” de Nicolas Dupont-Aignan, elle propose de “protéger notre environnement et valoriser les cultures européennes pour défendre notre civilisation“. Ce qui se traduit par l’instauration de droits de douane “anti-pollution” aux frontières de l’Europe et la révision de la PAC et de la politique de la pêche pour garantir “une alimentation saine et un environnement protégé“.
De nombreuses autres listes, comme celle des centristes de l’UDI menée par Christophe Lagarde ou celle présentée par le parti communiste avec Ian Brossat, se penchent aussi sur les questions environnementales et la transition écologique. Alors qu’un récent sondage plaçait le climat parmi les priorités européennes des Français, l’absence de toute mention sur le climat ou l’écologie dans leur programme serait pour le moins imprudent pour les formations politiques.
In https://www.actu-environnement.com
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