« Tout kilowatt non consommé est le meilleur kilowatt pour la planète car c’est celui qui n’aura aucun impact négatif sur l’environnement »
EDF est connu de tous pour sa production, distribution et vente d’énergie, bien moins comme un acteur primordial développant et appliquant toutes les solutions qui permettent de réduire la consommation d’électricité dans les foyers mais aussi au sein des entreprises. Nous avons rencontré Michel Durand le Directeur Général de cette entreprise qui œuvre pour « stabiliser la consommation d’énergie sur notre Territoire » et aider financièrement ces publics ainsi que les plus démunis.
Comment et dans quels types d’activités intervient EDF en matière de lutte contre la consommation énergétique ?
Dans le domaine de la réduction de la consommation de l’électricité durablement, EDF intervient sur différents champs avec les industriels du bâtiment et différents porteurs de projets.
- Le premier créneau dans lequel on intervient depuis deux ans et que nous développons de façon significative en volume, « le mass market », concerne tout un chacun sur les solutions apportées pour réduire la consommation de l’électricité : le chauffe-eau solaire, l’isolation dans les bâtiments, les systèmes d’éclairage performant (type Led)… tout cela fait déjà parti d’un mécanisme bien rodé qui fonctionne avec des entreprises partenaires, artisans ou entreprises de dimension type PME. Ces partenaires, qualifiés par EDF, installent chez des particuliers, dans des bâtiments collectifs, dans les nouveaux immeubles, dans les logements sociaux, des chauffe-eau solaire et/ou de l’isolation. Pour donner un exemple, il y avait 1200 chauffe-eau solaire installés à la Martinique il y a deux ans, cette année on va passer la barre des 4000. Par exemple nous travaillons avec les bailleurs sociaux afin d’installer, dans leurs logements, via de la rénovation, des chauffe-eau solaire. La SIMAR va s’engager dans un programme d’installation de 2000 chauffe-eau, et les autres bailleurs sociaux devraient suivre. Nous travaillons aussi avec les opérateurs sociaux sur la rénovation de l’habitat insalubre sur lequel on fait de offres comprenant des packages complets comprenant à la fois isolation / lampes Led /chauffe-eau solaire / kit hydro, afin de réduire la consommation. On a signé un partenariat avec ces opérateurs sociaux pour équiper 2000 logements dans les années qui viennent. On met à disposition des mécanismes de financement de ces solutions qui sont très efficaces parce qu’on arrive sur les chauffe-eau solaire avec les aides d’EDF et celles de la Collectivité Territoriale à réduire de plus de 75% le prix du chauffe-eau solaire. Sur l’isolation seule, les aides sont de l’ordre de 16 euros du m2, et lorsqu’il s’agit de précarité énergétique, nous allons même plus loin en proposant des solutions où les chauffe-eau solaire sont pratiquement gratuits et l’isolation quasiment mise à disposition.
- Le deuxième volet c’est de faire en sorte d’avoir des énergies renouvelables avec à la fois des solutions innovantes par des ruptures technologiques et des solutions éprouvées existantes sur lesquelles il suffit de se donner les moyens, de bien créer les liens et les offres commerciales, afin d’avoir des résultats significatifs pour la Martinique dans le but de réduire la consommation. Ce deuxième volet doit être mis en balance avec : « comment je consomme moins d’électricité ? ».
«50 millions d’euros pour stabiliser la consommation d’électricité en Martinique dans les années à venir»
On se fixe à travers cette maîtrise d’énergie des objectifs ambitieux de stabiliser la consommation d’électricité en Martinique dans les années à venir. C’est une ambition forte. Dans les années qui viennent, et avec l’ensemble de nos partenaires, il y aura un programme d’actions sur la maîtrise de l’énergie qui va, à lui seul, représenter 50 millions d’euros sur 3 ans.
Au-delà de ce programme on continue à pousser toutes les solutions innovantes : les Led, l’isolation, la domotique, toutes ces filières d’innovation. Cela constitue un marché en pleine croissance, même pour les entreprises.
Un deuxième point, moins connu parce qu’il n’est pas grand public c’est notre intervention dans le domaine de l’industrie.
C’est ce que l’on appelle chez nous le « Segment des entreprises industrielles » où on fait de l’intervention personnalisée avec des interventions chez l’industriel, au stade de la conception de son process ou de son bâtiment, ou dans des installations déjà existantes.
Nous travaillons avec eux afin de bâtir des solutions uniques et spécifiques car chaque industriel a un process différent. Entre un fabricant de glaces et le CHU de la Martinique, on n’est pas du tout dans les mêmes registres. Nous mettons en place dans ces 2 cas des actions de partenariat pour les accompagner dans la réduction de leur consommation d’électricité et donc de leur facture.
Comment cela se passe?
Nos ingénieurs se déplacent et viennent sur place rencontrer les équipes techniques et les concepteurs pour faire l’étude des opportunités de consommation d’électricité. Savoir ce qu’il faut changer, ce qu’il faut améliorer dans le process. Ça peut être des équipements, ça peut être parfois des façons de penser le process tout simplement.
Dans le cas du plateau technique du centre hospitalier, nous les avons accompagnés dès la conception sur toutes les solutions d’économie d’énergie. Nous avons travaillé à la fois sur l’isolation ou sur les systèmes de récupération de chaleur. Un tel bâtiment a besoin d’être climatisé ; pour faire du froid on produit du chaud, c’est physique. En parallèle le centre hospitalier a besoin de chaleur pour réchauffer de l’eau ; nous avons donc mis sur place des systèmes de récupération de chaleur issue des climatisations pour réchauffer cette eau qui servira comme eau chaude au centre hospitalier.
Vous avez des bureaux d’études techniques ?
Nous avons une équipe technique de 18 ingénieurs spécifiquement consacrée et formée à ces questions. Nous travaillons de plus avec des bureaux d’études locaux qui viennent en appui et mandatés pour travailler après avec les architectes, les bureaux d’études de conception, les constructeurs des bâtiments.
Pour que ces solutions se mettent en œuvre nous accompagnons aussi financièrement l’investissement. Par exemple EDF a versé une aide de 793.000 euros au centre hospitalier. Sans cette aide, peut-être qu’ils auraient pris les solutions qui leur auraient été accessibles budgétairement et pas forcément celle là avec une efficacité énergétique maximale.
Cet aide leur a permis de faire des investissements certes plus coûteux à la source, mais leur permettant de réduire leurs factures d’électricité, et donc d’éviter de consommer inutilement des kilowatts heure électriques.
Au-delà de votre rôle de vendeur d’électricité, on peut donc dire que vous contribuez à donner du travail à des dizaines d’artisans et chefs d’entreprise en Martinique ?
Effectivement, c’est un des pavés qu’on ne voit pas spontanément, on voit EDF comme l’acheteur et le vendeur d’électricité, le gestionnaire du système électrique, mais effectivement une de nos vocations qui fait aujourd’hui partie de notre cœur de métier, c’est de travailler avec les acteurs de Martinique dans un esprit d’économie circulaire, à faire en sorte qu’on aille au bout de toutes les solutions qui permettent de réduire la consommation d’électricité.
Ce que nous recherchons en permanence dans notre approche, c’est de trouver les bons montages pour que ces activités qui sont plutôt en devenir soit à la fois bénéfiques pour le consommateur au final mais aussi pour l’économie martiniquaise.
Nous bâtissons des offres en prenant à la fois les aides EDF mais aussi en les couplant avec des partenaires comme la CTM, l’ADEME, le SMEM pour qu’elles soient les plus intéressantes possible et faire en sorte de mettre en avant des notions qui sont aujourd’hui indispensables comme celle de la transition énergétique. Tout mégawatt heure ou tout kilowatt pas consommé, est le meilleur kilowatt pour la planète parce que c’est celui qui de toute manière n’aura pas d’impact sur l’environnement.
Cette aide que vous versez est-elle cumulable avec d’autres organismes ? Quelques exemples ?
Nous essayons de plus en plus de travailler en regroupant les aides. Oui, elles sont cumulatives. C’est le cas par exemple des aides (EDF et ADEME) à destination des bailleurs sociaux afin qu’ils remplacent leurs chauffe-eau électriques par des chauffe-eau solaire. En cumulant ces deux offre ADEME plus EDF on arrive à couvrir 80% du montant du remplacement du chauffe-eau. C’est énorme, en rénovation !
Pour les entreprises, l’ADEME en général finance les études, c’est-à-dire le diagnostic, l’état des lieux et tous les bureaux d’études, à EDF on suit l’opération, on vient qualifier avec l’entreprise les solutions qui sont faites et on chiffre la façon dont on peut accompagner financièrement l’évolution technologique. En général nous intervenons assez massivement sur la partie aide investissement et dans certains cas l’ADEME peut aussi apporter un complément.
Nous avons versé près de 200.000 euros à Soproglaces pour modifier leur process. Ils ont remplacé des compresseurs, des variateurs de vitesse ; ils ont fait des économies substantielles. Avec le recul ils ont gagné en un an, près de 1,4 gigawatt heure, c’est énorme.
«la Norme ISO 50001 : Une démarche d’amélioration continue des économies d’énergie et des éco-gestes »
Nous travaillons en ce moment avec 8 entreprises martiniquaises pour faire exactement le même processus que Soproglaces et le CHU, en les accompagne dans une démarche d’amélioration continue : ISO 50001. Dans l’économie d’énergie ou dans le « bien consommer » il y a la partie technique, qui concerne les installations, les process, etc. ; et il y a un deuxième volet souvent négligé et qui pourtant rapporte 10% de baisse de consommation, c’est les éco gestes. C’est le suivi en permanence de la consommation.
Avec la démarche 50001, non seulement l’entreprise investit, mais elle entre dans une démarche virtueuse d’amélioration.
A Soproglaces, aujourd’hui, ils ont un manager des énergies ; ils suivent leur évolution de consommation, les éco gestes, la façon dont ils arrivent à réduire leur consommation et ils ont pris le parti de se faire auditer en étant dans un processus qualité qui leur permet d’être toujours dans un maintien d’attention et d’alerte continu.
Tout cela doit être normé dans l’ISO 50001 ?
Soproglaces l’a fait, le CHU aussi pour le nouveau plateau technique ; sur l’ISO 50001 ils ont élargi à l’ensemble des bâtiments. Sur l’investissement, pour l’instant ils ont traité le nouveau plateau technique, nous les avons accompagnés à hauteur de 800.000 euros environ et on travaille avec eux maintenant sur le reste des bâtiments. Ils ont des projets de rénovation à Trinité, Mangot Vulcin, etc., ils ont compris l’intérêt.
On fait le même travail aujourd’hui avec l’aéroport et beaucoup d’entreprises martiniquaises qui compris le sens et l’intérêt de cette démarche. Nous accompagnons en ce moment 8 grosses entreprises (les entreprises de H. Despointes, Brasserie Lorraine, les grosses producteurs industriels…), mais aussi avec de nouvelles entreprises comme Décathlon ; nous les avons accompagnés sur l’isolation, la climatisation intelligente. On le fait avec une structure de chez nous dédiée à cette collaboration.
Ce qui nous paraît important aujourd’hui, c’est qu’il y a l’existant et il faudrait de plus en plus en Martinique qu’on intègre à la source toutes ces dimensions de réduction de la consommation d’électricité. Entre les bâtiments bio climatiques, les bâtiments à haute performance énergétique, les éco quartiers…tous ces termes qui reviennent assez souvent, qui sont presqu’à la « mode », on a les moyens de le faire, alors faisons-le.
Nous avons pour cela les ressources avec les partenaires que sont la Collectivité territoriale, le SMEM, l’EDF et l’ADEME qui ont pris un parti pris commun de dire que c’est un axe majeur pour la Martinique. Nous souhaitons à EDF travailler encore plus sur le bâtiment performant, sur les éco quartiers. Nous souhaitons vraiment tirer ce domaine vers le haut, car créateur en plus d’emplois, de bien-être, mais aussi de pouvoir d’achat et de compétitivité pour les entreprises.
En matière d’isolation ?
L’isolation en Martinique est un marché qui commence à peine à émerger. La culture du bâtiment bio climatique s’est perdue ; les bâtiments ont été fermés, on y a mis des climatiseurs. Maintenant ça devient une nécessité d’isoler, en particulier l’isolation des toitures, parce que c’est le meilleur moyen de ne pas trop climatiser. Avec les aides mises en place, avec l’accompagnement, le marché a pris 50% de croissance en deux ans. On espère qu’il prendra cette année 100% de croissance. On va le soutenir parce que de notre point de vue à peine 10% du marché potentiel est isolés.
Si le constructeur qui fait une toiture pour un particulier applique les normes d’isolation bien précises, a-t-il une prime ou le client peut-il bénéficier de cette prime ?
C’est exactement cela. C’est-à-dire que si quelqu’un fait construire une maison par un architecte, un constructeur de maison et que dans cette maison on met de l’isolation, on aidera à la pose de l’isolation. A partir du moment où c’est fait dans les règles et que les normes sont respectées. Nous avons des partenaires agréés qui viennent poser l’isolation, nous aidons financièrement cette pose d’isolant au m2.
Vous aidez l’artisan qui vient poser ou le particulier ?
On aide le client final qui lui, va payer ses factures d’électricité. Quand c’est du logement social locatif on aide le bailleur social.
« 40.000 clients en situation de précarité énergétique en Martinique, près de 25% de la population ! »
Qu’en est-il des offres sur « mes ampoules gratuites » ?
Nous mettons en place en Martinique des offres très performantes pour les personnes en situation de précarité énergétique. La loi de transition énergétique a défini dans ses principes que ceux qui ont un plafond fixé par la loi, qui sont en situation de précarité énergétique, en difficulté pour avoir accès à l’énergie, payer leurs factures et en plus on des difficultés financières pour avoir accès à des solutions qui permettent de réduire leurs factures, doivent être aidés sur deux choses :
– D’abord un chèque énergie qui permet de compenser une partie de la facture d’électricité.
– On demande aux opérateurs de l’énergie d’offrir à ces gens l’accès aux nouvelles solutions technologiques pour réduire leur consommation.
Concrètement en Martinique, il y a 40.000 clients en situation de précarité énergétique sur 193.000 clients au total, contre 10% en métropole. Les chiffres augmentent malheureusement et pensons dépasser bientôt les 45 ou 50.000 ce qui représentera 25% de la population.
Nous mettons une équipe pour travailler avec ces clients-là. Cette année nous distribuons 45.000 Led gratuites via les trois principaux bailleurs sociaux de Martinique. 30.000 à la Simar, 15.000 à la Smhlm et 15.000 à Ozanam. N’oublions pas qu’ils (les bailleurs sociaux) représentent 100.000 locataires et 33.000 logements.
En parallèle, on va distribuer à partir de novembre, en passant par les CCAS et quelques associations, des kits qui comprennent des Led, des lampes basse consommation, des systèmes économiques d’eau. Nous réitérons cette opération tous les ans au mois de novembre en passant par le CCAS. On envoie un courrier à chaque personne du fichier éligible au mécanisme pour les diriger vers le CCAS pour récupérer le kit. L’année dernière on a distribué environ 15.000 kits ; ils ne viennent pas tous, soit environ 50% des personnes éligibles à ce mécanisme.
Propos recueillis par Philippe Pied
Bonjour ,vous travaillez avec AGIR PLUS-EDF -EDF ET la CTM.Merci