L’utilisation de produits phytosanitaires demeure une source de pollution importante pour les sols et ont un impact considérable sur la qualité des eaux. Les productions à grande échelle sont pointés du doigt, mais quant est-il de la responsabilité des jardiniers amateurs ? Discussion avec Vaïola OSNE, chargée d’étude pour le projet «Transition zéro phyto pour les jardiniers amateurs».
En quoi consiste le projet ?
Initialement, la FREDON était un organisme davantage porté sur l’accompagnement des agriculteurs, mais avec «le plan écophyto» qui a été mis en place en 2008, il y a eu l’intégration des zones non-agricoles dans les actions. À partir de cette période là, plus précisément en 2010, des conventions ont été mises en place avec l’ODE (Office de l’eau) et la DEAL, pour pouvoir mener différentes actions.
Le projet a pour objectif de supprimer les produits phytopharmaceutiques dans les jardins, pour les plantes ornementales et potagères, qui sont utilisés par les jardiniers amateurs. Ces produits, mieux connus sous le nom de pesticides, inclus les herbicides, insecticides et fongicides. Pour ce faire, nous proposons des méthodes alternatives à l’utilisation de ces produits.
Pouvez-vous nous donner un exemple de méthode alternative ?
Par exemple, pour remplacer les herbicides, on propose des méthodes de gestion d’enherbement telles que des paillages ou une adaptation du couvert, soit par des plantes couvre-sol comme les adventices, ou bien on propose de jouer sur la densité des plantations de façon à ce que les plantes occupent l’espace au lieu des mauvaises herbes.
Seuls les jardiniers amateurs peuvent avoir recours à vos services ?
En 2017 il y a eu la loi d’interdiction d’utilisation des pesticides au niveau des espaces publiques, donc depuis 2011, nous accompagnons les collectivités pour leur proposer des méthodes alternatives. Cette année nous essayons de mettre l’accent sur les jardiniers amateurs, puisque l’année prochaine, cette interdiction va prendre effet pour les particuliers. Et comme nous savons que parfois ceux-ci ont recours à des services de sous-traitance tels que les professionnels d’entretien d’espaces verts, nous voulons aussi cibler ces professionnels, afin que l’ensemble des acteurs des zones non-agricoles puisse être formé, sensibilisé, et savoir quel type d’outil, quelle méthode utiliser pour pallier à l’utilisation des pesticides.
À quelles problématiques répond ce projet ?
Contrairement à ce que l’on croit, on va souvent attribuer l’utilisation des pesticides aux zones agricoles, sauf qu’il y a beaucoup de particuliers qui utilisent ces produits et principalement les herbicides, à cause du problème d’enherbement en Martinique.
En zone non-agricole, un autre problème qui se pose est que les surfaces imperméables telles les surfaces bétonnées sont nombreuses. Ces surfaces sont très favorables au ruissellement des pesticides qui se retrouvent rapidement dans les cours d’eau.
Il y a aussi le fait que contrairement aux professionnels qui doivent passer une formation, notamment en ce qui concerne la lecture des étiquettes, les jardiniers amateurs ne sont pas forcément au courant de la façon dont il faut utiliser ces produits. Il y a donc un risque de mauvaise utilisation.
Comment procédez-vous?
Une action de labellisation zéro phyto a été faite avec les communes, où six collectivités ont été sensibilisées ainsi que deux communautés d’agglomération. Dans ce projet de partenariat, nous avions incité ces collectivités qui se sont engagées à faire de la communication.
Nous avons aussi rédigé le «Memento de la protection des cultures», qu’on a mis à jour avec un lien en ligne pour consultation. On veut vraiment valoriser ce document qui est l’outil par excellence. Il y a un descriptif, des identifications, des photos et des méthodes de lutte. Récemment, des fiches plus spécialisées pour les jardiniers amateurs, davantage ciblées sur les plantes ornementales et la mise en culture en bac ont été ajoutées. Il y a aussi «Le petit guide à l’attention des jardiniers amateurs» qui peut être très utile.
On veut utiliser toutes les voies possibles pour communiquer auprès des particuliers. Puisque nous avons travaillé avec les collectivités, celles-ci font régulièrement appel à nous pour qu’on puisse intervenir lors d’ateliers ou de réunions d’informations. Il y a aussi les antennes de la FREDON, qu’on appelle les GEDON (Groupement de Défense contre les Organismes Nuisibles) qui sont un peu partout en communes, avec qui on travaille afin de réunir le maximum de personnes pour pouvoir faire ces ateliers d’informations.
Et puis cette année, chose que nous n’avions pas fait auparavant, c’est de cibler les établissements scolaires. Il y a une bonne dynamique que se met en place concernant tout ce qui est développement durable au niveau des établissements scolaires et on veut pouvoir aller sur cette lancée, sachant que bien souvent lorsqu’on sensibilise des enfants, par la suite il y a un impact sur les parents.
Nous avons aussi pour cible les manifestations de type grands publics avec des animations. Les animations sont très convoitées par la population, donc une bonne occasion de toucher les gens.
La population est-elle réceptive à votre projet ?
À l’heure actuelle, le nombre de personnes sensibilisées n’est pas suffisant. Éventuellement, nous aimerions passer par tous les médias possibles (radio, réseaux sociaux, grands événements, fascicules) qui permettraient de toucher des dizaines de milliers de personnes en Martinique.
S’il n’y a pas de problématique très médiatisée, comme nous l’avons constaté avec la chlordéconne, les gens ne s’intéressent pas. C’est malheureux de devoir confronter la population à quelque chose de dramatique pour éveiller l’intérêt. Il ne faudrait pas en arriver là pour les autres produits qu’on utilise.
Propos recueillis par Mariska Desmarquis
Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles de la Martinique
www.fredon972.org
contact@fredon972.org
Tél : 0596 73 58 88
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