On retrouve souvent à la une des médias, des récits tragiques de migrants qui ont tenté en vain de fuir leurs pays ; mais, il existe aujourd’hui un type de réfugiés dont on ne parle pas et qui mériteraient une attention particulière, les réfugiés climatiques ou environnementaux.
Dans un contexte environnemental bouleversé (hausse des températures, montée des eaux, accroissement des émissions de gaz à effet de serre, etc.), les réfugiés climatiques ou « écoréfugiés » représentent une réalité. Bien que les chiffres ne soient pas précis et varient selon les sources, le nombre de réfugiés climatiques est en augmentation constante. En 2013, les catastrophes naturelles ont provoqué le déplacement de trois fois plus de personnes que les conflits. Les réfugiés climatiques pourraient bien devenir le problème majeur du XXIe siècle.
Qu’est-ce qu’un réfugié climatique ?
Cette expression désigne toutes les « personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif, influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent ».
Il s’agit donc de personnes qui sont contraintes de se déplacer en raison de la dégradation de leur environnement, ce dernier ne leur permettant plus de vivre dignement, de vivre en sécurité, et/ou de subvenir à leurs besoins primaires.
Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), environ 20 millions de personnes se sont déjà déplacées ou ont dû être déplacées pour des raisons environnementales : fonte des glaces, salinisation des terres arables, pollution des nappes phréatiques, etc.
Quelles sont les causes des migrations environnementales ?
Une des raisons principales de cet afflux toujours croissant de réfugiés est la démographie. La population a énormément cru au cours des dernières décennies, et elle se concentre prioritairement au niveau des zones à risques. La surpopulation n’est pas le seul facteur à prendre en compte, car le nombre de catastrophes naturelles semble avoir progressé ; ce constat est dû au fait que plus les populations occupent des territoires à risques, plus la probabilité qu’une catastrophe se produise est grande.
Les modifications climatiques (la montée du niveau des océans, par exemple) sont aussi un facteur à ne pas négliger. L’ONU estime que dans les années à venir, 8 à 50 millions de personnes pourraient être contraintes de quitter leur lieu de vie, en raison des conséquences du changement climatique. Ces populations sont celles qui seront touchées par l’avancée du désert de Gobi en Chine (qui gagne chaque année 10000 km2 environ), par les inondationschroniques du Bangladesh et du delta du Nil, mais aussi et surtout par la submersion des archipels comme celui des Tuvalu, par exemple. La désertification menace aussi les marges de l’Europe, dont la Turquie, concernée par 160000 km2 de sols potentiellement cultivables, mais totalement dégradés par l’érosion et le manque d’eau. En Égypte ce sont environ 50 % des terres arables irriguées qui sont déjà touchées par la salinisation.
En 2013, près de 22 millions de personnes ont dû abandonner leur domicile à la suite d’une catastrophe naturelle.
Quelles sont les conséquences de cette situation ?
L’archipel des Tuvalu, un des plus petits du monde (9 îles de 26 km2), est voué à être submergé, et ses habitants (11600), à devenir des réfugiés climatiques ; la population cherche donc à s’établir ailleurs.
Il existe déjà des exemples de migrations environnementales, qu’il convient toutefois d’étudier avec prudence. En effet, ces migrations sont certes liées à des manifestations climatiques, mais corrélées à d’autres facteurs qui ont aggravé le phénomène.
Les habitants de l’atoll de Carteret sont souvent considérés comme les premiers réfugiés climatiques de l’histoire, car en 2005 ils ont été obligés de migrer à cause de la montée duniveau de la mer : dix familles ont été prises en charge par le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Toujours en 2005, la moitié de l’île de Bhola, au Bangladesh, a été engloutie par les eaux, catastrophe à la suite de laquelle 500000 personnes se sont retrouvées sans-abris.
Si aucune région du monde n’est épargnée, l’Asie reste de loin la plus touchée avec 19millions de déplacés du fait des inondations, des tempêtes, ou encore des séismes. La surpopulation et la fréquence des cataclysmes, font du continent asiatique le théâtre privilégié de l’exode climatique et/ou environnemental. Entre 2008 et 2013, 80 % des réfugiés climatiques venaient d’Asie. A titre d’exemple, le typhon Haiyan qui a touché les Philippines en novembre 2013 a provoqué le déplacement de 4,1 millions de personnes.
L’Afrique ne doit cependant pas être oubliée ; 8 des 20 catastrophes les plus meurtrières des dernières décennies ont eu lieu en Afrique subsaharienne.
Les pays développés ne sont pas épargnés ; on peut citer le cas du Japon, avec le typhon qui a détruit la région de Chubu, des Etats-Unis avec les tornades de l’Oklahoma, et du Canada avec les inondations en Alberta qui ont entraîné le déplacement de 600000 personnes. En 2012, 1,8 millions d’américains ont dû quitter leur domicile en raison des catastrophes naturelles.
Au cours des six dernières années, les pays où l’on a recensé le plus de réfugiés environnementaux sont : les Philippines, le Japon, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh, le Nigeria, et les Etats-Unis.
Les causes naturelles restent variées, cependant on peut remarquer que les régions les plus pauvres sont aussi les plus touchées ; cela s’explique par la corrélation qui s’établit entre la vulnérabilité face aux phénomènes naturels et la pauvreté économique.
Si l’exode se développe principalement à l’intérieur des pays concernés, en 2010 il y a tout de même eu plus de 358800 demandes d’asile déposées dans les pays développés. Les cinqpremières destinations des demandeurs d’asile furent : les Etats-Unis (55530 demandes), la France (47800) et l’Allemagne (41330) ; viennent ensuite la Suède et le Canada.
De ces migrations environnementales découlent indirectement une multitude de questionnements qu’il est important de prendre en compte. Ainsi, les Etats et les instances internationales doivent s’interroger sur le statut de ces réfugiés, la capacité d’accueil des pays vers lesquels ils se dirigent massivement, mais surtout sur les moyens visant à limiter les dégâts environnementaux générateurs de ces migrations. La COP 21 qui se tiendra du 30 novembre au 15 décembre à Paris sera l’occasion de poser tous ces problèmes, mais surtout de tenter de les résoudre …
Linsey MONPELAT, Pascal SAFFACHE
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