Les réserves halieutiques mondiales s’amenuisant progressivement, nombreux sont ceux qui plébiscitent aujourd’hui l’aquaculture ; il est vrai qu’années après années, cette activité conquiert de nouvelles part de marché. Pour ne prendre qu’un exemple, en 2016, son chiffre d’affaire a cru de 5 % et l’Union Européenne l’estime aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros.
On entend souvent dire que l’aquaculture est l’avenir de la pêche, que c’est la meilleure façon de ne pas épuiser la ressource, que c’est un mode de production durable, mais qu’en est-il réellement ? De même, quelle place occupe cette activité en Martinique ? Cette activité pourra t-elle se substituer à la pêche traditionnelle ?
Le contexte
Ces dernières décennies, la prolifération des navires usines a fortement impacté la biodiversité marine, au point de faire chuter les réserves halieutiques mondiales à un niveau jusqu’alors jamais atteint. L’aquaculture s’est donc naturellement imposée comme le moyen susceptible de pallier la pénurie annoncée.
Selon l’INED (Institut National des Etudes Démographiques), la terre comptera 9 milliards d’habitants en 2060. La banque mondiale précise que dès 2030 (c’est-à-dire dans 13 ans), plus de la moitié des poissons consommés dans le monde proviendront d’élevages marins. L’aquaculture présente donc l’avantage de gérer les stocks de façon raisonnée et d’assurer la sécurité alimentaire dans de nombreux pays, particulièrement dans les pays émergents.
Les impacts potentiels
Quand on évoque l’activité aquacole, on fait systématiquement allusion aux impacts qu’une très forte concentration de poissons peut avoir sur le milieu : sursaturation des fonds marins en déjections, diffusion accidentelle de produits chimiques et d’antibiotiques, consommation occasionnelle ou régulière d’aliments non adaptés aux espèces sauvages environnantes, sous-tendant une modification de leur comportement, de leur cycle de reproduction, ce qui a des répercutions sur la chaine alimentaire et plus globalement l’écosystème. Des risques d’épizooties sont aussi très souvent évoqués.
A long terme, les fermes aquacoles contaminent durablement le milieu marin. C’est ce qui explique que la législation française impose, qu’au-delà d’une production de 20 tonnes, il soit désormais obligatoire de faire une étude d’impact pour apprécier la réaction du milieu.
On oublie aussi trop souvent de dire que l’activité aquacole participe durablement à l’amenuisement des stocks halieutiques, puisque pour produire 1 kg d’aliments pour l’élevage, il s’avère nécessaire de transformer 3 kg de poissons issus de la pêche traditionnelle.
Le cas de la Martinique
En Martinique, la situation du secteur aquacole n’est pas brillante car les frais de fonctionnement sont élevés et les intrants coûteux (les aliments sont importés, et il n’existe actuellement aucun aliment de substitution pour le « Loup des Caraïbes »). Toutefois, en dépit de ces problèmes, il existe un véritable potentiel d’exploitation ; la solution viendra peut-être d’une diversification des espèces. Précisons que l’environnement local ne souffre pas de cette activité, car la production aquacole est aujourd’hui encore très modeste.
Bien que l’avenir ne s’annonce pas des plus brillants, il n’est pas non plus totalement sombre. Les professionnels du secteur sont les seuls à pouvoir impulser les dynamiques adéquates pour faire de cette activité le fer de lance d’une éventuelle économie bleue…
Grégory ARIBO et Pascal SAFFACHE
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