Souvent, nous connaissons mal ce qui nous entoure. La proximité de certains oiseaux dans notre environnement est tellement courante que nous oublions de nous y intéresser… Et pourtant, il y a tellement de choses passionnantes à découvrir dans la Nature! Voici une nouvelle “petite histoire naturelle” de notre faune locale écrite par Roland Marraud des Grottes, spécialiste des oiseaux et trésorier de la SEPANMAR (La Société pour l’Etude, la Protection et l’Aménagement de la Nature à la Martinique) qui sensibilise la population à la sauvegarde des richesses naturelles.
L’histoire du vacher luisant
Le vacher luisant (Molothrus bonariensis) est également appelé Petit merle de Sainte-Lucie. Son nom anglais est Shiny cowbird. Son nom espagnol est Tordo renegrido ou Vaquero Mirlo.
Il fait partie de la famille des Ictéridés. Il faut noter que dans cette famille on retrouve les genres Quiscalus (incluant notre merle Quiscalus lugubris) et Icterus (incluant notre carouge Icterus bonana, endémique de la MARTINIQUE).
Notre merle de Sainte-Lucie est un oiseau du Nouveau Monde. On le rencontre en AMERIQUE DU SUD, en AMERIQUE CENTRALE, aux ANTILLES et en FLORIDE, ainsi qu’à TRINIDAD et TOBAGO. Selon le RP PINCHON il est observé à la MARTINIQUE depuis 1948.
Description : Le vacher luisant mesure entre 18 et 20 cm, il est donc légèrement plus petit que notre merle (23 à 27 cm). Son envergure est d’environ 30 cm. Le mâle est noir avec des reflets bleutés ou légèrement violacés, très luisants, parfois teintés de vert sur le bord des ailes. Il a les pattes et le bec noirs. Son œil est sombre. La femelle et les juvéniles sont gris. Le bec noirâtre est conique et pointu.
Il faut noter qu’à la première mue les jeunes mâles perdent leurs plumes grises au profit des noires. Au stade intermédiaire on peut donc rencontrer des individus avec des plumes grises et noires
Alimentation : L’alimentation du merle de Sainte-Lucie est principalement constituée de graines et d’insectes, qu’il cherche en piétant. Occasionnellement il se nourrit de fruits en décomposition.
Habitat : On peut l’observer un peu partout, surtout dans les milieux ouverts, savanes, pâturages, mais également dans la mangrove, ou en bordure de forêt. Il n’hésite pas à se rapprocher des habitations. Il est rarement visible en forêt. Le vacher luisant est très sociable, vivant très souvent en groupes.
Période de reproduction : La période de reproduction serait de juillet à décembre.
Particularités : Il présente la particularité de chanter en vol.
Mais sa principale particularité réside dans son système de reproduction : le merle de Sainte-Lucie ne fait pas de nid, il va tout simplement parasiter le nid d’une autre espèce.
C’est la technique employée notamment par le Coucou gris d’Europe (Cuculus canorus), ainsi que par les Veuves Combassous d’Afrique (groupe de Veuves à courte queue comprenant plusieurs espèces). Ainsi la femelle du merle de Sainte-Lucie va repérer un nid propice. Les deux parents vont alors tourner autour, harcelant et houspillant le propriétaire. Lorsque celui-ci s’en va, la femelle va pondre un œuf dans le nid, au besoin en éjectant un ou plusieurs des œufs déjà présents.
La femelle va ainsi pondre trois œufs, généralement dans des nids différents. Il peut arriver que plusieurs femelles viennent pondre dans le même nid.
Ainsi les parents adoptifs vont couver, puis nourrir et élever les petits merles de Sainte-Lucie. Il arrive que l’on puisse observer un jeune merle de Sainte-Lucie, sorti du nid, sachant voler, mais encore tributaire de ses ‘’parents’’ pour sa nourriture, quémander celle-ci à l’une ou l’autre de ces espèces. J’ai pu observer cela avec un Quiscale merle et un Moqueur des savanes.
En MARTINIQUE les espèces victimes de ce parasitisme sont l’Oriole de la MARTINIQUE, notre Carouge (Icterus bonana), qui a failli disparaître à cause de cela, la Paruline jaune, notre didine (Setophaga petechia anciennement Dendroica petechia), le Quiscale merle (Quiscalus lugubris), et le Moqueur des savanes, ou grive des savanes (Mimus gilvus). Un autre hôte était le Troglodyte des Antilles, dont la sous-espèce de MARTINIQUE Troglodytes aedon martinicensis est considérée comme éteinte, sans doute à cause, en partie du moins, de ce parasitisme.
Dans l’aire de répartition du merle de Sainte-Lucie ce parasitisme a causé des dégâts, totalement ou partiellement.
Ainsi aux ETAS-UNIS le Yellow shouldered blackbird (Agelaius xanthomus) est en danger critique d’extinction, à cause de la perte de son habitat et du parasitisme du merle de Sainte-Lucie.
Statut :Le merle de Sainte-Lucie fait partie des Oiseaux Sans Statut (O.S.S.), il n’est donc ni protégé ni chassable.
Bibliographie :
- Révérend Père Robert PINCHON : Faune des Antilles françaises – Les oiseaux – 2ème édition 1976
- Edouard BENITO-ESPINAL et Patricia HAUCASTEL : Les oiseaux des Antilles et leur nid – Petites et Grandes Antilles – 2003
- Herbert RAFFAELE – James WILEY – Orlando GARRIDO – Allan KEITH – Janis RAFFAELE : – Birds of the West Indies – 2003
- David ALLEN SIBLEY : Le guide SIBLEY des oiseaux de l’Est de l’AMERIQUE du NORD – 2006
- National Geographic : Guide d’identification des oiseaux de l’Amérique du Nord – 3ème édition – 2002
Texte et crédit photos : Roland MARRAUD des GROTTES
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