Un nouveau bras de fer s’engage dans les arcanes de la Commission européenne, sous la pression des firmes agrochimiques qui voudraient que les tests de toxicité sur les abeilles domestiques et sauvages qui sont actuellement requis pour obtenir la mise sur le marché de pesticides ne prennent pas en compte une grande partie des effets délétères de ces pesticides sur les abeilles à miel, les bourdons et les abeilles solitaires.
Communiqué de Pollinis qui lance une pétition pour interpeller la Commission Européenne…
“Premier boulet de canon de l’industrie : le 3 mars dernier, lors d’une audition de la Commission environnement du Parlement européen, la Commission européenne et l’EFSA, l’autorité sanitaire européenne, ont dévoilé qu’il était question de ne pas imposer d’objectif de protection chiffré pour les abeilles solitaires. Et plus tard, la même proposition a été faite pour les bourdons.
Cela veut dire que l’industrie pourra mener des tests de toxicité de ses pesticides sur les osmies et les bourdons par exemple, et décider elle-même à partir de quel seuil la mortalité de ces butineurs n’est réglementairement pas tolérable.
Un cadeau en or massif pour l’industrie !
Avec les organisations PAN (Pesticide Action Network), Apimondia et BeeLife, nous avons sévèrement attaqué cette proposition. Nous avons fourni des arguments en faveur de seuils chiffrés et protecteurs (12), et avons rappelé que l’important n’était pas de choyer les bénéfices de l’industrie mais bien d’éviter l’extinction des pollinisateurs et l’effondrement du vivant !”
“De nombreuses recherches scientifiques ont montré le rôle irremplaçable des butineurs sauvages dans la pollinisation des cultures (2) – un rôle que les abeilles domestiques ne pourraient assurer seules :
- des recherches menées sur les pommiers (3), les fraisiers (4), le tournesol (5) ou les courges (6) ont toutes montré un meilleur rendement de ces cultures lorsqu’elles étaient pollinisées par une diversité de pollinisateurs ;
- certaines plantes ont besoin de l’intervention d’un pollinisateur spécifique pour assurer leur fécondation. C’est le cas des plants de tomate, dont le bourdon terrestre arrive à faire vibrer les fleurs pour libérer leur pollen, ou d’une grande variété de fleurs de la famille des pois de senteur, qui ont besoin de la force d’une mégachile ou d’une abeille charpentière (xylocope), pour ouvrir leur corolle et déclencher la fleur en libérant ses étamines (7).
Pourtant, ces précieux butineurs sont dangereusement menacés par la contamination de leur habitat par des pesticides qui les intoxiquent : 45,6 % des espèces de bourdons (8), et 36,8 % des espèces d’abeilles solitaires (9), sont aujourd’hui en déclin en Europe, d’après la liste rouge européenne des espèces menacées.
Leur disparition mettrait dangereusement en péril la sécurité alimentaire de toute la population, et précipiterait l’extinction d’un grand nombre d’espèces d’oiseaux, de poissons, de petits et grands mammifères, qu’ils nourrissent de façon directe ou indirecte…
Il y a urgence à agir !
Les autorités européennes ont le pouvoir d’enrayer rapidement ce désastre :
elles savent que les tests de toxicité sur les abeilles domestiques et sauvages qui sont actuellement requis pour obtenir la mise sur le marché de pesticides (et qui ont été rédigés par l’agrochimie elle-même !) ne prennent pas en compte une grande partie des effets délétères de ces pesticides sur les abeilles à miel, les bourdons et les abeilles solitaires.
Depuis 2013, elles ont entre les mains un document (10) qui liste les procédures à mettre en place pour s’assurer que les pesticides qu’on autorise en Europe sont bien sans danger pour les pollinisateurs. Et pour retirer rapidement de la circulation les substances qui déciment ces précieux butineurs.
Sous la pression des lobbys, et malgré 10 ans de bataille intensive à Bruxelles où nous avons lutté de toutes nos forces pour imposer ces procédures, ce document est désormais enterré (11).
L’agrochimie a obtenu de la Commission européenne une révision graduelle des procédures d’évaluation des risques de ses pesticides : celle-ci a commencé, il y a deux ans, avec les abeilles domestiques.
Nous avons croisé le fer pendant de longs mois, produit des rapports exhaustifs, des propositions précises et documentées, et avons tenu bon face au poids démesuré des lobbys.
Nous avions de notre côté le soutien de centaines de milliers de citoyens, et de l’opinion publique en général, qui est majoritairement inquiète du déclin des abeilles à miel. La Commission européenne se savait sous le feu des projecteurs, et ne pouvait pas proposer n’importe quoi.
Mais qui se soucie des bourdons, des osmies, des colletes, des xylocopes, et des près de 2 000 espèces d’abeilles sauvages, petites et peu visibles, qui peuplent nos paysages et assurent depuis la nuit des temps la reproduction des fruits et légumes cultivés par nos ancêtres ?
Avez-vous même entendu parler de la révision en cours des tests de toxicité des pesticides sur les abeilles solitaires et les bourdons qui est en train de se négocier à Bruxelles ?
Les lobbys agrochimistes et la Commission européenne pensent qu’ils peuvent s’arranger en catimini pour continuer à mettre sur le marché des substances mortifères pour les pollinisateurs – avec la bénédiction des autorités sanitaires, qui ne feront qu’appliquer les règlements qui leur auront été transmis !”
Pour en savoir plus sur Pollinis, l’ONG indépendante pour la cause des abeilles
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