Jean-François MAURO est le directeur régional de l’ADEME en Martinique depuis le 30 novembre 2015. Ayant exercé les mêmes fonctions en région Poitou-Charentes, à Poitiers de 2010 à novembre 2015, c’est un homme d’expérience que nous avons rencontré.
Que pouvez-vous nous dire à propos de l’ADEME à la Martinique, combien êtes-vous et quelles sont vos principales missions ?
L’ADEME est l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie. Nous sommes opérateur de l’État pour accompagner la transition écologique et énergétique. L’agence est un établissement public placé sous tutelle conjointe du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer et du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’ADEME est une « grande maison », employant eprès de 1000 collaborateurs à l’échelle nationale. L’ADEME intervient à deux :
– Une mission d’expertise et de soutien qui est portée par notre centre d’expertise basé à Angers,
– L’action territoriale : comment décliner les grandes politiques publiques en lien avec l’énergie, l’environnement, le développement durable sur chacun des territoires en prenant en compte la spécificité de ces territoires.
Sur les 1000 collaborateurs qui composent l’ADEME, la moitié constitue cette direction exécutive de l’action territoriale avec 17 directions régionales, 13 en territoire métropolitain et 4 en outremer, comme c’est le cas aujourd’hui en Martinique.
La direction régionale de Martinique est composée d’une dizaine de collaborateurs, renforcée ponctuellement par des volontaires du service civique ou des contrats à durée déterminée, en fonction de l’activité ; L’equipe est en poste depuis de nombreuses années et disposed’une très bonne connaissance des spécificités du territoire et des enjeux en Martinique. En termes de priorités d’intervention, nous avons aujourd’hui trois priorités thématiques :
– La première, et c’est tout naturel, consiste en la poursuite du développement des énergies renouvelables, avec notamment des fonds assez significatifs mobilisés au niveau national pour réussir ce défi.
– La seconde, doit permettre de faire évoluer notre politique « Déchets » vers une économie circulaire. Historiquement, l’ADEME est toujours intervenue sur la thématique « Déchets » ; C’est dans les gènes de notre agence où d’abord, l’ADEME a œuvré à structurer la collecte, la gestion et le traitement des déchets. Ensuite, à travailler à une meilleure connaissance des coûts associés à cette collecte et cette gestion. Ces coûts sont significatifs, ils pèsent sur la collectivité et d’un point de vue environnemental, en termes de gestion des ressources, il devenait important de développer des politiques de prévention de la production des déchets. Comment faire pour que nous ne créions le moins de déchets possible. Aujourd’hui ces politiques de prévention, de gestion et de collectes doivent s’inscrire dans une nouvelle dynamique, celle de l’économie circulaire ; c’est un concept émergent qui nous oblige à avoir une approche globale du sujet des déchets, ne plus les subir comme une contrainte ou une fatalité, mais plutôt les envisager comme une ressource, une opportunité. L’enjeu de l’économie circulaire est de faire comprendre aux acteurs économiques qu’une meilleure gestion des ressources, aussi bien en approvisionnement, en éco conception, en recyclage, en écologie industrielle et territoriale, , c’est une opportunité de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux marchés ; c’est un levier de chiffre d’affaires associé et d’emplois, . C’est un véritable enjeu de développement économique pour les acteurs du territoire. On doit accompagner cette transition, d’abord en faisant œuvre de pédagogie pour que tout le monde appréhende bien ce nouveau concept.
– La troisième priorité thématique est l’efficacité énergétique. Comment en se déplaçant, en produisant, en construisant, on peut avoir les équipements, les services et les produits le plus performants d’un point de vue énergétique. Donc comment faire que nos bâtiments soient les plus sobres possibles, qu’on ait une offre de transport qui permette de passer d’un moyen de transport à un autre avec, là aussi, des technologies les plus sobres possible. Comment, sur un process industriel on peut là aussi être performant en réduisant les consommations d’électricité, de vapeur, d’éclairage, etc. Sur un territoire dépendant d’un point de vue énergétique comme le nôtre, il s’agit d’un enjeu crucial.
Aujourd’hui l’ADEME s’adresse à tous, avec des moyens d’intervention différents en fonction des cibles. (collectivités, entreprises, associantions, grand public,…).
Certaines de ces subventions sont aussi financées par l’ADEME ?
Pour l’ensemble des cibles, qu’il s’agisse des collectivités, du monde de l’entreprise (petites, moyennes ou grandes entreprises, entreprises industrielles), du monde associatif, des établissements à caractère public, l’ADEME intervient directement en mettant d’abord à disposition l’expertise qu’elle détient sur l’ensemble des sujets variés (énergie, énergie renouvelable, mobilité durable, urbanisme, déchets,…). Nous pouvons accompagner très en amont un porteur de projet en le conseillant, en lui évitant quelques écueils, en lui proposant le retour d’expériences réalisées aussi bien en Martinique que dans l’ensemble des directions régionales de l’ADEME.
L’ADEME a ensuite la capacité de soutenir financièrement les projets, aussi bien dans le cadre d’études qui peuvent être financées par exemple pour objectiver les situations, contribuer au choix d’une solution et affiner les projets, mieux les dimensionner. . Au-delà de cette aide , l’ADEME intervient surtout en aide à l’investissement ; et donc intervient concrètement à la réalisation de ces projets.
Au niveau national, l’ADEME dispose d’ un budget dit d’intervention, de soutien aux projets, d’environ 600.000.000 euros par an. En Martinique en fonction de la dynamique de projets, notre budget d’intervention s’élève à près de 10.000.000 euros par an. Les principaux bénéficiaires de nos aides, aujourd’hui, restent les collectivités locales et les acteurs économiques.
L’ADEME souhaite clairement renforcer sa stratégie et réinvestir plus directement sa relation avec les acteurs économiques. Ces dernières années, l’ADEME a plutôt développé des actions dites territoriales portées par les collectivités. Les entrepreneurs ne se sont pas forcément sentis mobilisés par ces actions. L’idée est de pallier à cela en essayant de tisser des relations plus directes avec ces chefs d’entreprises en essayant d’être le plus pragmatique possible, en travaillant d’abord avec ceux qui ont une vision, une ambition un peu avant-gardiste ; identifier ces locomotives pour les aider à concrétiser leurs projets et une fois ces projets concrétisés, faire boule de neige. Les chefs d’entreprise sont très attentifs aux discours de leurs homologues. L’idée consiste à de mettre en avant de belles réalisations portées par une entreprise pour ensuite communiquer largement auprès d’un secteur d’activité, d’une filière ou d’un type d’entreprise donné pour lui montrer que c’est possible et que pour aboutir, l’ADEME est un acteur à ses côtés.
Vous avez parlé d’une aide à la communication, cette aide est-elle utilisée entièrement ?
Les 10.000.000 euros évoqués représentent une réalité de financement octroyée aux projets martiniquais. L’ADEME a la capacité de mobiliser des fonds dits « propres » ou de mobiliser des fonds dits « contractuels » utilisés à l’échelle locale. Sur les fonds dits propres,. nous allons solliciter une enveloppe nationale en fonction des projets qui nous sont présentés à un instant donné. Il n’y a pas d’enveloppe dédiée à la Martinique via ce canal.
Pour les fonds contractualisés, c’est l’inverse. L’ADEME a pris le parti de s’associer avec les collectivités territoriales, historiquement le Conseil départemental et la Région, aujourd’hui la CTM, parce que nous partageons des visions, des objectifs communs. L’idée est de proposer une synergie financière qui fait que lorsque l’ADEME mobilise 1 euro, la CTM mobilise 1 euro, le SMEM mobilise 1 euro, EDF mobilise 1 euro et demain le FEDER mobilisera 1 euro. Il s’agit d’associer nosnos forces et de gommer nos faiblesses respectives pour tendre vers un objectif commun. Nous sommes sur des enveloppes dédiées à la Martinique qui sont adossées aux contrats de projets Etat-Région-Département sur la période 2015-2020. Pour l’ADEME, cette enveloppe représente 3,6 millions d’euro annuels, une sorte de socle de financement destinée à la Martinque.
Les entreprises martiniquaises font-elles de plus en plus appel à ces fonds ? Sentez-vous une réelle prise de conscience des chefs d’entreprises ?
Notre sentiment est qu’il existe une prise de conscience d’entreprises qui en ont les moyens. : les grosses entreprises, les entreprises industrielles ou les entreprises qui disposent en leur sein de compétences pour identifier les enjeux. Par contre il y a toute une frange de petites et moyennes entreprises pour lesquelles leurs réalités c’est le quotidien, faire tourner la « boutique ». Il y a un vrai travail à l’attention de ces dernières en faisant œuvre de pédagogie, pour faire comprendre que lorsqu’on se dégage des marges de manœuvre en traitant ces questions environnementales, de consommation d’énergie, d’eau, de meilleure gestion des ressources et des déchets. L’enjeu c’est d’être convaincant pour les entraîner. C’est aussi de faciliter la vie à ces structures qui n’ont pas en leur sein de compétences ni de temps pour engager ces politiques. Il est de notre responsabilité de proposer des dispositifs qui soient les plus souples possible pour attirer auprès de nous ces entreprises et leur permettre de concrétiser leurs projets.
Deux aspects sont peut-être méconnus dans le soutien proposé par l’ADEME : l’ADEME peut œuvrer à la montée en compétence des acteurs. Par exemple, dans le secteur du bâtiment, aujourd’hui il y existe aujourd’hui a un certain nombre de labellisations qui sont devenues incontournables, notamment le RGE reconnu garant de l’environnement. L’enjeu réside dans le fait qu’un maximum d’entreprises et de salariés puisse être formé et l’ADEME est en capacité de mobiliser des financements pour faciliter cette formation et d’engager des modules de formation à l’échelle du territoire martiniquais pour que ces acteurs montent en compétence. Nous le faisons déjà en faveur du secteur du bâtiment, nous pouvons aussi le faire pour d’autres en lien avec nos thématiques.La formation, la montée en compétence bénéficie aussi du soutien de de l’ADEME.
Nous avons aussi des missions dites d’accompagnement. L’ADEME dispose d’une équipe de taille modeste en Martinique (une dizaine de personnes). nous devons donc nous associer avec des structures aux compétences avérées partageant nos objectifs qui, pour le compte de l’ADEME, vont réaliser des missions d’accompagnement. Par exemple, nous pouvons financer auprès de chambres consulaires des postes de chargés de mission qui pourront directement aller au contact des entreprises pour, avec eux, évoquer leur situation, faire un premier diagnostic, un certain nombre de préconisations. Une fois que ce chargé de mission, de concert avec le chef d’entreprise, a identifié une problématique, l’ADEME se mobilise pour apporter le soutien nécessaire à cette entreprise.
Quand vous dites chambre consulaire, vous parlez de qui ? Pas d’une entreprise privée ou d’une association…
Ça peut être la Chambre de Commerce et d’Industrie, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat. Mais une association, une fédération, un groupement ou un club d’entreprises pourraient potentiellement accueillir ce type de chargé de mission.
Une structure qui dispose en son sein de compétences et qui fédère un nombre suffisant d’entreprises dans un secteur d’activité donné, dans une filière, peut potentiellement accueillir un chargé de mission et bénéficier d’un soutien de l’ADEME sur une période de 3 ans. Il s’agit d’une prise en charge partielle du salaire de ce chargé de mission, d’une aide à son installation ainsi qu’ aux actions de communication et d’animation portée par ce chargé de mission ;
Une association qui dispose d’une vraie légitimité et d’un projet solide peut prétendre à ce soutien.
Quels sont les chiffres importants à retenir en matière environnementale à la Martinique ? Quelle est la différence entre la région Poitou-Charentes et la Martinique ?
Nous sommes sur un territoire insulaire qui sera beaucoup plus concerné par les effets du changement climatique. Il y a à la fois des enjeux d’atténuation mais surtout d’adaptation au changement climatique. Ce volet n’est pas suffisamment développer aujourd’hui en Martinique. Malheureusement une part de ce changement climatique est aujourd’hui inéluctable. Comment anticipe t on ses effets ? Comment se prémunit-on de situations pour lesquelles l’inaction serait bien plus coûteuse et dramatique que le coût de l’action. En termes d’atténuation, comment dessiner une voie cheminant de dépendance vers autonomie. Comment sur un territoire insulaire exploiter au mieux les ressources dont nous disposons tout en réduisant notre dépendance au monde extérieur, notamment d’un point de vue énergétique, mais aussi concernant un certain nombre de ressources matières. .
Cependant, sur le sujet de l’énergie, il faut renforcer la maîtrise de la demande en énergie et notamment la maîtrise de la demande en électricité. Il mérite d’agir d’abord sur la demande pour ensuite développer des solutions de production renouvelables pour y répondre.
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