“Le bio au risque de se perdre”, un petit livre court et bien pensé qui permet aux consommateurs d’y voir plus clair face au déferlement du « bio » dans les supermarchés et autres magasins d’alimentation.
Fréderic Denhez, rappelle qu’il n’existe pas de produits ” bio ” en soi mais que les aliments ainsi estampillés doivent s’inscrire dans un écosystème général, qu’il nomme ” la bio “. Par exemple, la mention ” AB ” ne garantit pas au consommateur que le produit n’a pas voyagé ou qu’il a été cultivé avec des pratiques peu agressives pour le sol. Il explique que des labels moins ” verts “, comme le ” label rouge ” pour la viande de bœuf française, doivent satisfaire à une réglementation plus stricte que la certification AB.
Il montre aussi que l’appellation ” bio ” est devenue un enjeu commercial important pour toute l’industrie agroalimentaire, car si le secteur représente seulement 3,5% du marché alimentaire (tout de même de 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires), il est en pleine expansion : par conséquent, pour faire face à la demande, un bio ” low cost ” se développe, dont le bénéfice pour l’environnement et le consommateur reste à démonter.
L’intérêt de ce livre réside aussi dans le résumé historique que nous livre l’auteur : il souligne que les pratiques agricoles de l’Antiquité ont largement fragilisé les sols, et que c’est au début du xxe siècle, avec la polyculture-élevage, que les agriculteurs ont le mieux respecté l’environnement. Évoquant aussi les ” chemises vertes “, groupe fascisant de l’entre-deux-guerres prônant le retour à la terre et des principes écologiques, il remet en cause la vision habituelle d’un mouvement écologique issu exclusivement de la gauche. Efficace, bien vulgarisé, ce livre donne aux consommateurs et citoyens les moyens de s’approprier ce nouveau concept qu’est la bio.
Sciences et Avenir : dans votre livre vous définissez ” la bio ” que vous opposez au ” bio “, quelles différences entre les deux ?
Fréderic Denhez : dans notre tête, le bio, finalement c’est juste le label AB. Presque une marque. C’est le bio que l’on connaît : des produits achetés, ” propres “, sans savoir ce qu’il y a derrière. C’est un bio conforme à un cahier des charges qui n’est réellement restrictif que sur les intrants chimiques. Pour le reste, les agriculteurs font un peu ce qu’ils veulent. Tandis que “la bio” est une démarche philosophique qui va plus loin que la réglementation sur les pesticides. Elle vise à produire avec un impact environnemental et sociétal limité. ” La bio ” doit avant tout nourrir l’agriculteur, sans abimer les sols ni la nature, avec un bon bilan carbone, en respectant les qualités nutritionnelles et gustatives des produits, et le bien-être animal.
Vous montrez que la marque AB a des limites. Comment améliorer la qualité de cette certification ?
Le bio devrait intégrer dans son cahier des charges les fondements de sa philosophie qui sont de trois ordres : la préservation des sols (taux de matière organique, hygrométrie, présence de lombrics…), la polyculture-élevage (les engrais doivent venir de l’élevage), la rotation des cultures (avec des légumineuses pour éviter de mettre les sols à nu).
Je tiens à ajouter à ces trois critères techniques une donnée économique fondamentale : le prix de vente d’un produit doit être fixé par le paysan.
Que conseillez-vous aux consommateurs qui souhaitent acheter des produits alimentaires vertueux pour l’environnement ?
D’abord des produits frais de saison, sans emballage et produit quand c’est possible près de chez soi… Ensuite des produits achetés au marché, ou chez le maraicher, le primeur et de façon plus générale les produits labélisés type label rouge, AOC, IGP et pourquoi pas AB.
Le bio au risque de se perdre, de Frédéric Denhez, Buchet-Chastel, 15 euros.
A paraître le 15 février 2018
In https://www.sciencesetavenir.fr/
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