Depuis 2011, les épisodes d’arrivées massives de bancs d’algues sargasses, principalement sur la côte Atlantique de la Martinique, se sont succédés avec plus ou moins de force, jusqu’au pic phénoménal de décembre 2017. L’échouage de ces algues sur le littoral est une absolue catastrophe pour les riverains du bord de mer, qu’ils soient professionnels de la mer, du tourisme ou simples habitants. Ce phénomène est aussi une absolue catastrophe écologique pour toutes les espèces vivant sur nos côtes, corail, oursins, tortues, coquillages, poissons juvéniles, tout est impacté par leur dégradation. La biosphère de la Martinique en vient à littéralement étouffer sous la pression de ce que l’on appelle les « marées dorées ». Leurs échouages massifs sur nos côtes et l’effet de leur dégradation, représentent une pollution sans précédent des eaux, de l’air et du paysage engendrant une réelle pathologie environnementale qui touche hommes, animaux, matériels, et toute chose existante…
Effet du changement climatique, de la pollution chimique des sols (engrais, pesticides) et de l’exploitation intensive du vivant (agriculture et élevage intensifs), cette algue nous met en quelque sorte devant le fait accompli ! Car, nulle réponse ne peut y être apportée pour l’instant ! Ce phénomène se pérennise tandis que des recherches sont en cours…Les pouvoirs publics autant que les citoyens sont dans l’urgence, faute de prospective à propos du phénomène. Et les riverains très lourdement impactés, ont du mal à comprendre pourquoi on ne met pas rapidement en œuvre les solutions utilisées par nos voisins caribéens !
Comme en médecine traditionnelle on traite le symptôme, non la cause de la maladie et on ne tient pas compte de ses multiples interconnexions avec l’environnement dans sa globalité. Car ce phénomène n’a apparemment pas de cause locale et il touche toute notre grande région Amérique et Caraïbe jusqu’aux rives de l’Afrique de l’Ouest à présent ! Une conférence internationale des pays de la grande région sera organisée en octobre prochain par le Préfet de Martinique, Préfet de zone, pour tenter de partager les connaissances et les expériences, souhaitons que les causes du fléau soient recherchées et que des solutions puissent être trouvées dans une coopération régionale. Début juin, le Ministre de l’Environnement, Nicolas Hulot a annoncé sa visite. L’algue sargasse est en train de modifier peu à peu le regard des populations qui regardaient ailleurs jusque-là, sur nos modes de vies et de consommation, sans doute responsables de sa prolifération.
En changeant de regard, justement, et avec l’avancée des recherches, on pourra peut-être transformer le fléau en une ressource …Car, la sargasse possède certainement de nombreux potentiels. Lorsqu’elle est vivante, en mer, avant les échouages, elle sert de pouponnière et de protection à de multiples espèces, elle est donc utile à l’état naturel et non toxique. Elle favorise la biodiversité. On sait par ailleurs, qu’elle a la capacité de stocker les métaux lourds, les polluants et peut-être même la chlordécone, elle est bioabsorbante…Pourrait-elle être utilisée comme dépolluant des sols ? Gwanael Quenette de la DEAL, dans un « Etat des lieux des connaissances » d’octobre 2015, publié à l’occasion de la journée des associations, parle des valorisations potentielles à l’étude ou en cours d’expérimentation avec une forte valeur ajoutée sur le compostage. La Société Holdex Environnement au François a élaboré le process pour composter cette algue ainsi qu’une entreprise de Sainte Lucie. Ce rapport mentionne son potentiel de biocarburant pour la filière énergétique et de succédané de plastique, ainsi que ses qualités dans les domaines de la cosmétique et de la pharmaceutique… Et si la sargasse était finalement une solution aux problèmes de pollution engendrés par l’activité humaine? L’un de nos témoins, environnementaliste, pointe du doigt la nécessité d’installer localement un laboratoire de recherche spécialisé pour avancer plus rapidement, peut-être en coopération avec les autres pays impactés.
Sargassum fluitans et Sargassum natans, désormais compagnes de nos paysages, n’ont pas fini de faire parler d’elles !
Nathalie Laulé
Notre dossier « Sargasses » tente de faire le point sur le phénomène en ce mois de juin 2018, après les échouages massifs de ces derniers mois. Il a été réalisé par Kaylan Fagour, Mariska Desmarquis et Nathalie Laulé.
SOMMAIRE :
1/ Présentation scientifique :
– Conséquences éco-systémiques
2/ Etat des lieux environnemental
-Etat des lieux de la DEAL
– Le guide de l’Agence Régionale de Santé “Les algues sargasses en clair”
-Un phénomène surveillé de près par Madinin’Air
3/ Les Impacts et les actions en cours :
-Témoignages des populations de bord de mer, riverains et professionnels de la mer impactés.
–Les actions en cours, pétitions, demandes des populations
–Expérimentation de barrages flottants RIS’K
–Expérimentation de ramassage en mer TRUXOR
4/ Actions des autorités
-Le point de vue du maire du François, commune fortement impactée
-Le plan urgence sargasses, annonces du Préfet
– Communications de la préfecture sur les expérimentations en cours
-FB préfecture sur les moyens actuellement engagés
5/ Les solutions de valorisation
–Compte-rendu des actions menées dans la Caraïbe
-Le compostage d’algues fraîches avec la Société Holdex Environnement
–Les lambris Cabex contre le gaz H2S
A Lire aussi:
-Les sargasses, ce fléau venu d’ailleurs par Ludovic Louis et Pascal Saffache
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