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Ville durable et écoconstructions avec «écotones»

Claire Maurice-Madelon, géographe consultante, chargée de missions en développement durable, spécialisée en aménagement urbain, ville durable et écoconstructions, a ouvert depuis peu son auto-entreprise ; écotones. Interview…

Qu’est-ce qui t’a amené à créer ton auto-entreprise ?

J’ai obtenu une mission avec l’Agence de Développement Durable, d’Urbanisme et d’Aménagement de Martinique (ADDUAM), qui consiste à créer et structurer, à partir de l’Observatoire Territoriale de Martinique en ligne, le volet «culture». Un nouveau volet à part entière, qui va coexister aux côtés des trois premiers piliers soit, l’environnement, le social et l’économie, les quatre réunis formant les quatre piliers du développement durable.

Par contre, pour pouvoir travailler sur cette mission, j’ai dû constituer mon auto-entreprise. Je me suis alors dit : «Pourquoi ne pas offrir mes services et compétences à d’autres personnes, de la même façon que je le fais pour cette mission ?» Ce n’était pas prévu, mais ça c’est présenté à moi comme une opportunité que j’ai saisie. Je veux profiter de cette première expérience en indépendante pour développer cette activité, continuer à travailler sur les champs du développement durable qui se rapportent au territoire, mais sans me limiter à l’aménagement qui est la spécialisation de ma formation.

Quelle est-elle cette formation que tu as reçue ?

Je viens de l’école de technicien supérieur du Ministère du Développement Durable. J’ai obtenu mon premier poste en 2010, à Paris, sur la thématique des politiques des transports de marchandise. Néanmoins, pendant ma formation, j’ai eu un coup de cœur pour l’aménagement et j’ai fait plusieurs stages et mémoires sur les écoquartiers. Je voulais retourner à cet environnement de métier et j’ai donc repris les études, parallèlement à mon emploi, pour faire une licence en géographie et aménagement avec une spécialisation en géographie urbaine. À l’issue de cette formation, j’ai trouvé un poste où j’accompagnais les collectivités dans leur rôle de labellisation pour les projets d’écoquartiers. Une fois de plus, parallèlement à mon travail, j’ai décidé d’approfondir ma formation et j’ai fait un master à l’école d’ingénieur de la ville de Paris, avec une spécialisation sur les écoquartiers et les constructions durables. Et puis je suis revenue en Martinique avec l’ambition de travailler au service de mon pays.

Pourquoi avoir choisi écotones comme nom d’entreprise ?

Un écotone c’est l’interpénétration de milieux écologiques, comme la lisière entre une mangrove et une forêt. L’idée d’interpénétration, c’est comme ça que je vois l’exercice de mes missions. C’est à dire que je me place à l’interface des disciplines et j’essaie de faire la synthèse des contraintes, des préoccupations et de tous les impératifs du projet. Faire ressortir la version optimale pour lier les deux. Pour moi c’est ça le développement durable.

Quels services sont proposés par écotones ?

J’offre mes services à tous les projets qui se rapportent de près ou de loin à la qualité et au cadre de vie, à l’appropriation des citoyens des projets qui existent sur leur territoire, à la résilience par rapport aux évolutions climatiques, énergétiques, la gestion des déchets et même la conjoncture économique qui est très particulière et qui fait que les gens sont de plus en plus incités à créer leurs activités dans toutes sortes de domaines, innovants ou traditionnels, mais qui veulent faire les choses autrement.

J’imagine aussi mon activité dans des missions de sensibilisation avec une prise en compte de la biodiversité dans les aménagements, de la qualité des sols, de la mobilité, etc. La sensibilisation est à faire à tous les niveaux et je crois qu’une demande grandissante se fait pour un mode de vie en lien avec notre propre contexte environnemental et culturel. Il faut surfer sur la vague de l’intérêt nouveau et se rendre compte de l’opportunité de ces actions et des bénéfices qui en découlent.

Il y a beaucoup de choses qui bougent et il y a toujours moyen d’injecter, dans n’importe quel projet, une projection à plus long terme de développement durable. Une telle projection permet d’apporter de la qualité en plus d’assurer la pérennité et l’efficacité de l’action. Cette réalisation de projets écoresponsables peut être faite par association de compétences.

Qu’entends-tu par associations de compétences ?

C’est à dire, associer mes connaissances avec d’autres professionnels. Travailler avec les collectivités, des architectes, des paysagistes, des bureaux d’études ou même des particuliers. J’aimerais travailler sur des projets de constructions bioclimatiques, ou inspirés de l’architecture créole qui est bioclimatique par nature, puisqu’elle sait tirer partie des propriétés de son environnement d’implantation pour offrir le meilleur confort possible aux occupants. À plus grande échelle, j’aimerais particulièrement contribuer à la définition et la conduite de projets urbains durables. À l’échelle du projet urbain, le dialogue entre les disciplines est incontournable et nécessite une synthèse encore plus approfondie lorsqu’on y projette des ambitions de développement durable.

Quelle est ta conception du développement durable en Martinique ?

La Martinique est un petit territoire vulnérable qui a évolué très rapidement. Aujourd’hui, dans les constructions, on peut avoir perdu les principes vernaculaires de l’architecture créole. On a laissé de côté l’optimisation de la construction comme la ventilation naturelle d’autrefois. C’est pareil pour le système routier qui n’a pas eu le temps d’être construit adéquatement pour accueillir autant de voitures et les transports en commun ne sont pas développés. La mobilité ne s’envisage encore quasi-exclusivement qu’autour de la voiture personnelle, une option qui rencontre des limites que tous vivons au quotidien.

Le travail à faire et les enjeux sont énormes. Il faut viser dans les pratiques des professionnelles où on arrive à progresser, à distiller progressivement certains principes. À ce moment on va pouvoir commencer à construire autrement.

En Martinique, comme partout dans le monde, il y a tout le terreau nécessaire pour mener des actions cohérentes avec le développement durable, qui se retrouve dans la façon traditionnelle de vivre et les rapports qu’on a vis-à-vis notre territoire. Il y a un documentaire qui m’inspire beaucoup qui s’appelle «Case créole retour gagnant», où des particuliers ont décidé de créer leur maison en cohérence avec des exigences de développement durable et en respect avec l’environnement dans lequel ils vivent. C’est intéressant et très stimulant de voir que ces préoccupations existent.

Propos recueillis par Mariska Desmarquis


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